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THÉÂTRE DE LA RÉVOLUTION

MARAT.

Je reconnais bien là mes odieux compatriotes. Parce que la Nature leur a donné une taille de six pieds et des muscles de brute, ils se croient le droit de mépriser ceux qui sont faibles et malades. Et quand, après avoir travaillé leurs champs et rentré leurs récoltes, ils s’asseyent à leur porte, en suçant pendant des heures une pipe dont la dégoûtante fumée achève d’assoupir leur morne conscience, ils croient leur devoir accompli, et disent aux malheureux qui leur tendent la main : « Tu n’as qu’à faire comme moi. »

HULIN, tranquillement.

Vous me connaissez à merveille. C’est ainsi que je suis.

Il rit dans sa barbe.
HOCHE, arrivant. Il est en costume de caporal des gardes-françaises. Il porte des habits sur son bras. — À Marat.

Ne le crois donc pas, citoyen. Il se calomnie. Il ne voit pas une infortune sans lui tendre la main. L’autre semaine, il s’est mis à notre tête, pour délivrer nos camarades, les gardes-françaises, emprisonnés à l’Abbaye par les aristocrates.

HULIN, sans se retourner, lui tend la main par-dessus son épaule.

C’est toi. Hoche ? Qui te demande ton avis ? — Balivernes que tout cela ! Je le disais tout à l’heure : ma force me gêne parfois ; alors j’enfonce une porte, ou je démolis un mur. Parbleu ! quand je vois un homme se noyer, je lui tends aussi la main : cela ne se raisonne pas. Mais je ne suis pas à l’affût des gens qui se noient ; ni surtout, je ne vais pas les jeter à l’eau d’abord, comme ces faiseurs de révolutions, pour les sauver après.

MARAT.

Tu as honte du bien que tu fais. Je hais les fanfarons de vice. — Il lui tourne le dos. — À Hoche. Et toi, que portes-tu là, sur ton bras ?

HOCHE.

Des gilets que j’ai brodés, et que je tâche de vendre.