Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/103

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Car la foule, en ses jours de colère sans frein,
Précipite du faîte et traîne dans la rue
Le dieu de marbre ainsi que le tyran d’airain.

Sans craindre que jamais elle soit abattue,
Dans un marbre ignoré, dans un divin métal,
Le Poëte a sculpté lui-même sa statue.

Il peut rire du Temps et de l’homme brutal ;
L’insulte de la ronce et l’injure de l’herbe
Ne sauraient ébranler son ferme piédestal.

Car ses mains ont dressé le monument superbe
À l’abri de la foudre, à l’abri du canon :
Il l’a taillé dans l’or harmonieux du Verbe.

Immortel et pareil à ce granit sans nom
Dont les siècles éteints ont légué la mémoire,
Il chante, dédaigneux de l’antique Memnon :

Car ton soleil se lève et l’illumine, ô Gloire !

JOSÉ-MARIA DE HEREDIA.