Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/118

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Et la tombe aux vivants jamais n’a tant souri.
Qu’aurais-tu fait ici ? La Discorde maudite,
La Violence infâme ont pour longtemps flétri

Ce cher temple du Monde où, ceint de clématite,
Immobile servant d’un culte déserté,
Tu sonnais, enlacé par l’ombre d’Aphrodite,

Ton hymne mâle et doux à l’antique Beauté !
Noble supplicié des hautes nostalgies.
Mélancolique amant de la Sérénité,

Pars ! Tu n’entendras plus, dans nos landes rougies,
Gémir nos morts d’hier sans linceul enterrés
Au sacrilège écho des nouvelles orgies,

Ni le troupeau criard des rhéteurs effarés
S’entre-mordre en livrant la patrie encor chaude
Au viol du lourd Germain tapi dans les fourrés.

Pars ! Tu ne verras plus, déguisée en ribaude,
Se vautrer dans les bras avinés des valets,
La Muse au front divin étoilé d’émeraude.

Ni tomber, éventré par les lâches boulets,
Le beau peintre oublieux de l’épouse parée,
Ni pleurer les sculpteurs aux débris des palais !