Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/128

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Cette foule hagarde ! elle annonce : Nous sommes
La triste opacité de nos spectres futurs !
Mais le blason des deuils épars sur de vains murs,
J’ai méprisé l’horreur lucide d’une larme,
Quand , sourd même à mon vers sacré qui ne l’alarme ,
Quelqu’un de ces passants, fier, aveugle et muet,
Hôte de son linceul vague, se transmuait
En le vierge héros de l’attente posthume.
Vaste gouffre apporté dans l’amas de la brume
Par l’irascible vent des mots qu’il n’a pas dits.
Le néant à cet Homme aboli de jadis :
« Souvenir d’horizons, qu’est-ce, ô toi, que la Terre ? »
Hurle ce songe ; et voix dont la clarté s’altère,
L’espace a pour jouet le cri : « Je ne sais pas ! »

Le Maître, par un œil profond, a, sur ses pas,
Apaisé de l’éden l’inquiète merveille
Dont le frisson final, dans sa voix seule, éveille,
Pour la rose et le lis, le mystère d’un nom.
Est-il, de ce destin, rien qui demeure ? Non.
Ô vous tous ! oubliez une croyance sombre.
Le splendide génie éternel n’a pas d’ombre.
Moi, de votre désir soucieux, je veux voir,
À qui s’évanouit, hier, dans le devoir
Idéal que nous font les jardins de cet astre,
Survivre pour l’honneur du tranquille désastre
Une agitation solennelle par l’air
De paroles, pourpre ivre et grand calice clair,
Que, pluie et diamant, le regard diaphane