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Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/153

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Quand Paris, ce grand corps par la faim abattu,
Tomba, que l’ennemi fit chez nous son entrée,
Tu refis ta maison, par la bombe eventrée
En soldat fatigué d’avoir bien combattu.

Tu repris tes amis, ton coin de feu, ton livre
Et ton chat familier dans tes bras caressé ;
Tu revis le soleil, songe presque effacé
Et l’inspiration, qui transporte et délivre ;

Le loisir du penseur, le juste et bon repos,
La muse qui nous fait aller à la dérive...
Un an, et puis la mort sournoisement arrive
Le jour où sur la hampe on roule les drapeaux.

Dieu t’épargna pourtant l’horreur de l’agonie ;
En poëte, narguant la mort et son affront,
Muet, sans que le mal assombrît ton beau front.
Tu mourus calme, ainsi qu’un sage d’Ionie.

Le ciel s’ouvre pour toi. Va d’un vol éclatant
Au milieu des parfums, au milieu des musiques,
Prendre possession des paradis physiques
Où des grands immortels la cohorte t’attend.

La troupe des Wilis inclinera les anses
Des brocs d’or où la soif des dieux peut s’apaiser,
Et tendant leurs fronts ceints de fleurs à ton baiser
Les légères Péris interrompront leurs danses,