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À THÉOPHILE GAUTIER





Ô Maître, il ne sied pas qu’on l’omette ou l’oublie :
Avant que, par ton art sûr, la rime assouplie,
Du brasier romantique ardente et rude encor,
Comme aux doigts d’un vannier, courût en tresses d’or
Et, se croisant ainsi que des rayons d’étoiles,
Tendît le ciel nouveau de lumineuses toiles
Où se prennent nos yeux dans un enchantement ;
Avant que de sertir d’astres le firmament
Où la Muse reçoit ses esclaves, — nos maîtres, —
Ô doux chercheur du Beau qui partout le pénètres,
Comme un bon ouvrier qui tente avant d’agir,
Tu fis, sous le pinceau, prendre corps et surgir
La nudité du Rêve obscur de tes prunelles :
Et, la voyant pareille aux choses éternelles,
Digne des cieux où tout est immuable et pur,
Désertant les couleurs, tu courus à l’azur
Pour y tailler, en plein infini, ta pensée.
— Il ne te resta rien de l’épreuve passée
Que la pitié sereine et douce du réel.