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Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/170

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Car tu le savais, Toi, que l’Immatériel
Sur les regards humains n’entr’ouvre la paupière
Qu’à celui qui tenta, sur la toile ou la pierre,
Si l’image du Beau peut tenir sous son front.
— Tu savais que, le jour où les dieux tomberont
Des cadres vermoulus et des piédestaux sombres,
Sur l’âme des rêveurs se coucheront des ombres
Et que tout sera dit de ce qui seul était.
Donc, tous ceux que le mal auguste tourmentait
D’éveiller les esprits endormis sous les choses,
De creuser le secret lent des métamorphoses,
Fils de Pygmalion perdus sur le chemin.
S’éclairaient aux rayons de ton art surhumain,
Jeune dieu qui savais ce que souffrent les hommes !
— Et, pour leur enseigner que le peu que nous sommes
Est le germe pourtant d’une immortalité,
De leur propre labeur dégageant la Beauté,
Au moule d’une langue impérissable et brève,
Tu coulais, devant eux, l’or vivant de leur rêve
Et disais : C’est cela que vous avez voulu !
Ils ne le savaient bien que lorsqu’ils t’avaient lu.
Sublime redresseur des choses mal venues.
Car le spectre divin des Immortelles nues,
Longtemps avant l’azur où tu fuis loin de nous,
Habitait dans tes yeux inflexibles et doux.
— Atlas vainqueur, enfin patient de la Terre,
Possédant le secret et la cadence austère
Des formes où revit le souvenir des dieux,
Dans le rhythme puissant des mots mélodieux,