Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/21

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Est venu tout à coup, dans le ciel qui s’embrase.
Luire, et quand l’Hippogriffe a relayé Pégase !


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Je te salue au seuil sévère du tombeau.
Va chercher le vrai, toi qui sus trouver le beau.
Monte l’âpre escalier. Du haut des sombres marches.
Du noir pont de l’abime on entrevoit les arches ;
Va ! meurs ! la dernière heure est le dernier degré.
Pars, aigle, tu vas voir des gouffres à ton gré :
Tu vas voir l’absolu, le réel, le sublime.
Tu vas sentir le vent sinistre de la cime
Et l’éblouissement du prodige étemel.
Ton olympe, tu vas le voir du haut du ciel,
Tu vas, du haut du vrai, voir l’humaine chimère,
Même celle de Job, même celle d’Homère,
Ame, et du haut de Dieu tu vas voir Jehovah.
Monte, esprit ! Grandis, plane, ouvre tes ailes, va !

Lorsqu’un vivant nous quitte, ému, je le contemple ;
Car, entrer dans la mort, c’est entrer dans le temple ;
Et quand un homme meurt, je vois distinctement
Dans son ascension mon propre avénement.
Ami, je sens du sort la sombre plénitude ;
J’ai commencé la mort par de la solitude.
Je vois mon profond soir vaguement s’étoiler.
Voici l’heure où je vais, aussi moi, m’en aller.
Mon fil trop long frissonne et touche presque au glaive ;