Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/45

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Pour la première fois qu’il dort
En soixante ans de vie humaine,
Il a bien le droit d’être mort
Sans qu’on le cloue et qu’on l’emmène !

Comme son beau front de héros
Fait face au ciel et le défie !
Il a les blancheurs du paros
Et semble refléter sa vie !

Pareille à du granit soyeux,
Sa barbe a des reflets d’aurore
Et sa bouche est moulée encore
Sur un sourire de ses yeux ;

Ainsi qu’en ses fières estampes
Qui nous le rendaient à vingt ans.
Ses cheveux bouclés et flottants
Naissent en gerbes de ses tempes,

Et, séparés par le milieu.
Ils marquent déjà le sillage
De l’aile qui remporte à Dieu
Cette âme éprise de voyage.

À quel dieu ce front raffermi
Ne fait-il pas encore envie ?
Est-ce un mort que cet endormi
Qui se réveille de la vie ?