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L’ART





À vingt ans, le Poëte, enivré de sa force,
Jette d’un front joyeux l’exorbitant éclat,
Et pour les voluptés viriles du combat
Sculpte l’or d’un kandgiar superbe à lame torse.

Mais la sève fougueuse assouplit son écorce ;
Sur les tentes la paix glorieuse s’abat ; —
Au-dessus de la Mort en fête et du Sabbat
Vénus calme déploie en souriant son torse.

Comme un riche platane élargi dans le ciel,
L’Artiste rêve ; il suit dans la forme des choses
L’harmonieux dessein de leurs métempsycoses ;

Et dans son culte il règne et repose, immortel…
Ô visibilité de Dieu, Beauté suprême,
Tu n’as pas besoin d’âme, étant l’âme elle-même.

PAUL DELAIR.