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LES FUNÉRAILLES
DE THÉOPHILE GAUTIER





Eh bien ! monde affairé, monde brutal, qu’assomme
L’Idéal et qui, plus que la bête de somme,
Penches stupidement ton front vers le trottoir,
Toi qui ne connais rien au-dessus du comptoir,
Ô monde positif qui prends des airs moroses
Si l’on vient à nommer les amoureux des roses.
Allons ! ouvre les yeux et vois donc aujourd’hui
Le vide affreux que laisse un poëte après lui !

Regarde ce cortège immense, cette escorte
Qu’éblouit le reflet de la dépouille morte
Étendue et fermant les yeux dans le cercueil.
Pas de faux airs émus. Vois ! C’est bien un vrai deuil,
Et tout ce que Paris compte d’illustre, austère.
Frissonnant, est venu pour voir rendre à la terre
Cette argile pétrie autrefois par un dieu !
Et pourtant ce n’est point un homme de haut lieu,
Un prince, un gros bonnet de la finance, un être
Qu’un trône voit mourir, ainsi qu’il l’a vu naître,