Page:Le Tombeau de Théophile Gautier, 1873.djvu/91

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Ce défunt qu’une foule entoure avec amour.
Jamais tu ne le vis au coin d’un carrefour
Appeler les passants, « faire de la réclame ! »
Non ! C’était un poëte épanchant sa belle âme
En magnifiques vers, purement, simplement,
Chantant le lis candide et le clair firmament ;
Et dans ces jours brumeux où l’ignoble ironie
S’admire en insultant chaque jour le génie,
Il inclinait son front olympien devant
Le Maître qu’il avait connu soleil levant
Et qu’il servit toujours d’une foi si profonde.
Oh ! comme les hideurs banales de ce monde
Disparaissaient devant Théophile Gautier !
Dévouant au seul art tout son cœur en entier,
Comme ce grand poëte était bon et sensible !
Quand il passait ainsi qu’un beau lion paisible,
On eût cru voir marcher un sage de ces temps
Où la Lyre apaisait la fureur des Autans ;
Et l’on croyait ouïr chanter une sirène
Quand en perles tombait sa voix douce et sereine.

Ah ! parce qu’on a ri, parce que l’on rira
De ceux que le laurier verdissant attira,
Parce qu’il faudra bien toujours qu’un imbécile
Soit là pour accomplir cette tâche facile
D’ameuter le public contre les fronts hautains,
Poëtes, bénissons largement nos destins :
Tout est beau, tout est bien et mon âme est en joie !
Pour renaître à l’espoir, il suffit que je voie