Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 08.djvu/224

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— Ce sont des mailles à côtes : on les fait au point double, ou point tourné, dans la proportion de deux points tournés pour un ou deux points unis. C’est plus élastique, et cela peut dispenser d’employer des jarretières.

— Merci bien, Madame.

— À votre service, Monsieur.

Dans toutes les rues des anciens quartiers où je déambule ensuite, — mais tous les quartiers, sauf celui de la gare, ne sont-ils pas anciens à Vitré ? — rue Baudrairie, rue Saint-Louis, rue Notre-Dame, rue de la Poterie, rue d’Embas, le regard est arrêté à tout instant par les vieilles maisons aux étages surplombants, aux pignons anguleux et avancés qui obstruent la clarté du jour. C’est une succession d’encorbellements d’une étrange variété, de tourelles en pointe, de lucarnes protégées d’auvents, de toits à épis, de niches où les Vierges, les Jésus, les Saints, méditent, sourient ou se renfrognent, parmi les fleurs desséchées et les rubans fanés. Sous les arcades à solives, s’ouvrent des portes basses et étroites, des porches obscurs qui conduisent à des cours humides. D’autres portes, en bois plein ou à vitres, largement ouvertes celles-là, laissent voir des logis garnis de vieux meubles cirés, de lits clos, d’armoires aux ferrures luisantes, de pétrins qui fabriquent le pain depuis plus d’un siècle peut-être. La vaisselle garnit les rayons des crédences, les cuivres et les étains brillent. Les rideaux des croisées aux carreaux étroits et clairs sont blancs et empesés. Tout dit l’ordre et le soin. C’est la vétusté et c’est la propreté. Les femmes groupées cousent, raccommodent, brodent, tricotent. Celle-ci, repasseuse de coiffes, en tête à tête avec sa « Sidonie », est entourée de blancheurs de linge et de légèretés de dentelles.

UNE REPASSEUSE DE COIFFES À VITRÉ.

Encore et toujours, ce sont des constructions non moins vermoulues. Quelques-unes sont rapiécées de planches ou plaquées d’ardoises pour combattre l’humidité. Architecture torse, dont les bâtis s’étayent les uns les autres, qui semble dater d’une époque où le fil-à-plomb était inconnu. Les montants des portes et des fenêtres s’élèvent et se croisent de travers, les œils-de-bœuf dessinent des ovales de guingois. Les toitures rapprochées ne laissent voir qu’un étroit pan de ciel comme par un soupirail. À travers cette agglomération de logis branlants, sont les charmants vestiges des hôtels de la Renaissance, les façades divisées par des pilastres, les pierres transversales au-dessus des portes, les charpentes affleurant les murs, les meneaux, les linteaux ornés de rinceaux délicatement sculptés, parfois peints, les ouvertures des fenêtres barrées