entouré d’une courtine rectangulaire, la face antérieure de celle-ci pourvue, à chacun de ses angles, d’une tourelle crénelée, percée de meurtrières. Le côté postérieur s’achevait par une série d’ouvrages arrondis, reliés également par des courtines, communiquant avec d’autres bâtiments au moyen de passerelles situées à 100 mètres de hauteur. L’un de ces ponts a été appelé l’Assommoir. La première masse des constructions était isolée des autres corps de bâtiment par un fossé creusé dans le roc qui pouvait être utilisé à abriter les embarcations des patrouilles flottantes. Cette forteresse fut assiégée vainement par les Anglais en 1490, achetée par Louis XIV au Goyon de l’époque qui fut nommé gouverneur de la place, alors dénommée fort de la Latte, occupée pendant les Cent jours par les royalistes et reprise par un bataillon de marine. De tout ce passé, vous retrouverez le décor, les murailles, un four à rougir les boulets, et une statuette de Saint-Hubert qui calmait les chiens enragés.
Le cap Fréhel, malgré son apparence formidable, joue un rôle plus pacifique : il est pourvu d’un phare électrique de premier ordre qui, la nuit, éclaire toute la côte, les rochers creusés de trous profonds, de grottes obscures, les grèves sablonneuses, les hautes falaises. Au loin, d’autres phares qui répondent, des caps, des rochers isolés, des groupes de récifs. C’est la mer rocheuse qui commence, tout un hérissement de pierres sur les vagues, dominé par les îlots des Minquiers, les îles Bréhat et par les îles Anglaises. La nuit, toutes ces lumières scintillent dans le mystère de l’ombre et le bruit de Ia mer. Le jour, du cap Fréhel, on aperçoit aussi la terre rassurante, le pays de Saint-Brieuc et le pays de Tréguier : la vue va jusqu’à Saint-Quay, Paimpol, Saint-Cast, où le duc d’Aiguillon battit les Anglais en 1780. C’est là qu’il y avait, dans le cimetière, un chêne creusé d’une niche où les filles-mères exposaient leurs filles. Les garçons, eux, devenaient bergers à Tréguz et l’on disait d’eux :
Y sont les pâtours de Tréguz
Qu’à plein bissac ont les écus.
Mais après ce coup d’œil jeté du haut du promontoire, il me faut pénétrer plus méthodiquement dans le pays de Saint-Brieuc, par Broons et Lamballe.
Broons, dans ce beau pays de bois qui commence à Rennes, et même dès l’entrée en Ille-et-Vilaine, est surtout célèbre pour être le pays d’origine de Bertrand Du Guesclin. Celui qui devait devenir grand connétable de France naquit, en effet, au château de la Motte-Broons, en 1314. C’est là qu’il apprit la guerre avec les gamins du voisinage. Le château n’est plus : on l’a remplacé, sous le règne de Louis-Philippe, par une colonne de granit de dix mètres de hauteur.
Lamballe, démolie au xe siècle par les Normands, rebâtie, demeure sous la domination du pouvoir religieux jusqu’en 1134, puis fait partie des possessions du comte de Penthièvre, converties en duché par Charles IX, en 1569, au profit de Sébastien de Luxembourg. C’est une ville souvent éprouvée par les catastrophes naturelles et par les horreurs de la guerre : débordements des eaux du Gouessant, orages, pillages, et même un tremblement de terre et une grêle effroyable. Faut-il ajouter à cette liste la mort tragique, en 1793, de la princesse de Lamballe, veuve d’un seigneur descendant des ducs de Penthièvre ? Aujourd’hui, Lamballe sourit à travers les malheurs de son passé. C’est une petite ville qui grandit, qui s’anime, qui n’a gardé d’hier que de vieilles places et de vieilles maisons. Montez au sommet où fut le château féodal, rasé par Richelieu, en 1626. L’emplacement est un beau jardin ombragé, avec des bancs, d’où l’on a une vue magnifique sur la campagne et jusqu’à la mer. L’église Notre-Dame, bâtie sur cette plate-forme, reste le témoin du temps disparu. Elle fut construite au xie siècle, après le château qui était de 991, et elle a gardé, au nord, son beau portail roman formé d’un cintre dix fois cannelé soutenu par de fines colonnes en relief. L’autre entrée, à l’ouest, est ogivale. À l’intérieur, la voûte est portée par de fortes colonnes à chapiteaux de feuillage, un beau buffet d’orgue du xvie siècle achève de se délabrer. Deux coutumes curieuses dans le passé de cette église : il était d’usage d’employer du vin pour « accommu-