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LE CAP FRÉHEL.

nier » les fidèles, et l’on couvrait les dalles de paille, à Noël, pour rappeler que Jésus était né dans une étable.

Dégringolez la pente que vous avez montée. L’église Saint-Martin est au bas de la ville. C’est aussi un vieux monument dont quelques parties datent de 1084. Le porche est de haute curiosité, abrité par un auvent dont les charpentes sont tenues par des gueules de monstres coloriés. Au-dessus, cette inscription :

L’an mil cinq cent dix-neuf,
Jean l’aîné me fit tout neuf.

L’intérieur est divisé en trois nefs soutenues par douze arcades, partie en plein cintre, partie en ogive. Les dalles sont formées d’une succession de pierres tombales et le baptistère abrite une cuve datée de 1519. Une autre église encore à Lamballe, l’église Saint-Jean, à l’intérieur chargé de dorures, mais sans grand intérêt. En descendant de Notre-Dame vers Saint-Martin par des ruelles abruptes et fangeuses, j’ai avisé un couvent d’Ursulines ; la porte était entrebâillée, je suis entré dans une petite cour, un ecclésiastique posté à une fenêtre m’a fait un signe d’assentiment ; j’ai poussé une seconde porte et me suis trouvé dans la chapelle, assez banale, décorée de l’imagerie religieuse que vous savez. Je ne me suis intéressé qu’aux grillages à travers lesquels les religieuses cloîtrées peuvent suivre la messe, et à ce fait que le sanctuaire était éclairé à la lumière électrique.

Non loin, c’est le haras. Une belle entrée, de larges chemins, des pelouses vertes, des écuries spacieuses, des piqueurs en casaques rouges, qui promènent de fines bêtes. Ce dépôt d’étalons, tel qu’il est, a été construit en 1825, mais il existait déjà avant la Révolution. Ces établissements sont entretenus aux frais de l’État qui évite ainsi aux cultivateurs et aux éleveurs de grosses dépenses particulières. Ici, une petite somme est prélevée sur chaque jument amenée ; anciennement, cette perception était de trois livres et d’un boisseau d’avoine, et la dépense se trouvait, se trouve encore souvent, récupérée par les primes allouées aux plus beaux poulains. Si Lamballe a gardé son haras, Lamballe a perdu son gibet, mais la « maison du bourreau » existe toujours, porte gothique, croisées étroites, étages surplombants, toiture pointue. Une autre promenade que celle des jardins du château m’a encore charmé, c’est celle du chemin qui longe les anciens remparts. Dans cette rue, longue et contournée, j’aperçois un ouvrier occupé à tisser de la toile sur un ancien métier. Combien cette installation nous ramène loin en arrière, aujourd’hui que de grandes usines réunissent des centaines de métiers mus par la vapeur, que quelques hommes ou quelques femmes suffisent à diriger et à surveiller. L’objet d’un autre âge vaut d’être décrit. Mon tisserand de Lamballe est assis devant sa machine, boulonnée au plafond de la chambre et rattachée au sol par des pieds. Le bâti de sa toile, tendu horizontalement, à l’aide de vis servant de points d’appui, guide les fils mobiles lancés de droite à gauche et de gauche à droite, à l’aide d’une navette dont la course marque un rythme de galop. Les fils de la chaîne sont rattachés à des