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SAINT-POL-DE-LÉON ET SES CLOCHERS VUS DE LA MER.



LA BRETAGNE[1]

PAR M. GUSTAVE GEFFROY.
Photographies de M. Paul Gruyer.

PREMIÈRE PARTIE : LA BRETAGNE DU NORD


V. — Le Pays de Léon (suite).


Les cigarières de Morlaix. — Foires et marchés. — Ce qui reste des Lances. — La Grand’Rue et les marchands de drap. — Saint-Melaine, Saint-Mathieu et Saint-Martin. — Le Musée. — Théâtre breton. — Soirées de Morlaix. — Les environs. — Saint-Pol-de-Léon vu de la Mer. — La « Ville Sainte ». — Les clochers. — La vie en dedans. — Les batailles de 875 à 1793. — Les fêtes. — La cathédrale. — Le jaillissement du Creisker. — Le « chef » de M. Untel. — Roscoff. — Le gulf-stream, peut-être. — Asperges, choux-fleurs, artichauts, oignons, ails, échalotes, pommes de terre, figuiers. — Le port. — Marie Stuart. — L’église. — Le laboratoire de zoologie. — L’île de Batz. — La bouse combustible. — L’étole de saint Pol. — Saint-Thégonnec, l’arc de triomphe et l’ossuaire. — Guimiliau, l’église et le calvaire. — Les costumes du Léon. — Lampaul.


FEMME REVENANT DU MARCHÉ DE MORLAIX.


Morlaix a la grâce de la vivacité. Ce n’est pas ici une Bretagne endormie. Les pas sont lestes et les yeux sont vifs, dans toutes les rues étroites, mal pavées, qui montent, qui descendent, qui dégringolent sur les flancs des deux collines où se creuse l’entonnoir de la ville. Les jeunes filles ont des allures de chèvres à grimper et dévaler ces pentes, et leur physionomie est de la même expression animée que l’allure de leur corps. Par contre, lorsqu’elles ont été pacifiées par la vie, les femmes d’âge ont le visage d’un calme et d’une bonté rares, avec quelque chose d’attentif et de fin. Tous ces aspects de choses et de visages font une ville où l’existence a de l’en-dehors, de la nervosité, de la gaieté active. Le matin, dès l’aube, c’est un bruit de sabots à croire que des sacs de noix ont été vidés à Saint-Martin et que les noix descendent les escaliers à pic de la rue Courte et les pentes douces de la rue Longue, à croire aussi que l’on entend le retrait de la mer entraînant avec elle les galets sur une grève. Sabots parlants et bavards, ils emplissent la ville de leurs dialogues et de leurs clameurs, les uns jacassant, pérorant vite, décidés et rieurs, les autres lents et mélancoliques, disant un mot de temps en temps, se plaignant et geignant, et tous se réunissant par moments comme pour

  1. Suite. Voyez pages 217, 229, 241, 253, 265 et 277.