enfermés, une chaîne de deux mètres rivée au pied droit et traînant un boulet de douze livres. La nuit, couchés sur des lits de camp garnis de paille, toutes leurs chaînes étaient réunies à une chaîne commune qui courait le long des lits. Pendant le jour, coiffés de bonnets de couleur, ils travaillaient au port sous la surveillance des gardes-chiourme. Les peines disciplinaires étaient le banc, les menottes, le cachot, la bastonnade appliquée, avec une corde goudronnée, sur les reins nus du patient.
Si le bagne n’existe plus, le château existe encore. Ce fut l’embryon de Brest. Il ne se composait d’abord que du donjon et de plusieurs tours, dont l’une, la tour Azénor, a sa légende. La douce princesse Azénor, femme de Goëlo de Tréguier, y fut captive, accusée de désordres par son époux, jugée, condamnée, jetée à la mer dans un tonneau. Elle était en état de grossesse, accoucha dans son tonneau, y vécut, portée par les flots, pendant cinq mois avec son enfant, aborda en Irlande, où Goëlo, convaincu enfin de son innocence, vint la réclamer. L’enfant, né en mer, devint Budoc, archevêque de Dol. C’est le sujet d’une complainte bretonne : La Providence de Dieu sur les justes, en l’histoire admirable de saint Budoc, archevêque de Dol, et de la princesse de Léon, sa mère, comtesse de Tréguier et Goëlo. Il y eut d’autres prisonniers qu’Azénor au château de Brest. Charles de Blois y fut enfermé pendant que sa femme commandait ses troupes. Au vieux château succéda le château bâti par Vauban. C’est le château actuel : le portail d’entrée, flanqué de deux tours, percé dans la muraille qui regarde la ville ; quatre tours aux angles des courtines, les tours de la Madeleine, de Brest, Française, de César, qui communiquent entre elles par un chemin de ronde. On peut loger dix-huit cents hommes au château de Brest, qui sert de caserne d’infanterie.
Brest n’est pas seulement dans Brest. Il est aussi dans sa rade, un des plus beaux paysages d’eau qui soient, avec son cadre de côtes et de verdures, de Plougastel à Roscanvel, et de la Pointe Saint-Mathieu à Recouvrance, avec la coupure nette du goulet. Regardez, toute une ville mouvante double la ville terrienne. Sur l’eau, des maisons, des monuments aussi, qui sont les vaisseaux, les forteresses de l’escadre, les bateaux-écoles : le Borda, pour les aspirants de la marine, le Duguay-Trouin, pour les officiers, la Résolue, pour les gabiers, la Bretagne pour les apprentis marins, l’Austerlitz, pour les mousses. Et tout cela, qui est en mer, est complété par l’enseignement donné sur terre : école des mécaniciens de la flotte, pour l’enseignement théorique ; école de premiers-maîtres ; école d’hydrographie ; école de dessin ; école de maistrance ; école de médecine navale ; établissement des pupilles de la marine. Brest, en somme, est une école et un arsenal. N’y cherchons pas autre chose. Je ne sais quel auteur a dit qu’il n’y avait à Brest « qu’une église et quatre statues ». De fait, quand on a vu le port maritime, que l’on a parcouru ses immenses ateliers, ses forges, ses magasins de cordages, ses ateliers de machines, de chaloupes, visité un transport colossal, un cuirassé de fer, d’acier et de cuivre ; quand on a vu les pontons, vétérans de l’ancienne flotte, qui servent de casernes et de corps-de-garde, aux cordages utilisés pour sécher