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On dirait en vérité que la nature, qui s’est plu à doter l’île de la Martinique d’une végétation splendide et à en faire pour les yeux un Éden presque idyllique, a voulu l’accabler, par ailleurs, de misères, de tristesses et de calamités.

Au cours des trois derniers siècles, elle n’a pas subi moins de dix-neuf tremblements de terre dont certains, comme ceux de 1657, de 1766 et de 1839, causèrent des morts par centaines et détruisirent des habitations par milliers.

CARTE DE LA MARTINIQUE

On cite encore avec effroi à la Martinique le désastreux tremblement de terre du 11 janvier 1839 qui détruisit presque complètement la ville de Fort-de-France. En 1851, le trouble sismique se signala par la production sur la montagne Pelée de deux cratères par où s’échappèrent d’assez fortes quantités de bouc et de cendres. Un petit lac s’était logé dans un de ces cratères ; on l’appelait le lac des Palmistes.

Et, comme si ce n’était pas assez de ces secousses sismiques qui jettent périodiquement dans l’île la désolation et la mort, un autre fléau la menace sans cesse : ce sont les cyclones qui, à des intervalles plus ou moins rapprochés, la dévastent et la terrifient.

En 1780, un cyclone — qu’on appelle encore là-bas « le grand ouragan » — fit périr mille individus et fit disparaître cent habitations.

Tout récemment, en 1891, un cyclone d’une violence inouïe s’abattit sur l’île : les édifices de Fort-de-France furent détruits, des villages entiers furent balayés par le vent, plus de quarante bourgades furent « effacées », dit un témoin, de la carte de la Martinique ; trente navires furent submergés ou jetés à la côte ; cinq cents personnes périrent.

FORT-DE-FRANCE. — DESSIN DE BOUDIER.

Le désastre du mois de mai dernier surpasse en horreur et en gravité tous ceux que nous venons d’évoquer. L’esprit en reste confondu d’épouvante. Ce n’est pas seulement la France qui s’est trouvée en deuil, c’est l’humanité tout entière ; car devant de telles commotions brisant en quelques secondes tant de vies à la fois, un sentiment de solidarité se fait jour et doit unir tous ceux qui pensent et qui aiment… Ce sentiment s’est manifesté dans tous les pays du monde avec un élan admirable, et les souscriptions en faveur des familles des victimes ont afflué de toutes parts, montrant que l’univers entier prenait part à tant d’infortunes.

C’est le mercredi 28 avril à neuf heures du soir qu’une détonation souterraine fut entendue au Prêcheur. — Le jeudi soir on remarqua des nuages de vapeur qui surgissaient des flancs de la montagne. — Le vendredi