Que s’était-il passé entre le départ du paquebot le Saint-Germain et cette fatale matinée du 8 mai ?
Les récits de quelques fugitifs qui ont quitté Saint-Pierre avant la catastrophe et le rapport de M. Lhuerre, gouverneur par intérim, nous apprennent que, le lundi 5, l’usine Guérin située au bord de la mer, à l’embouchure de la rivière Blanche, avait été détruite sous une avalanche de laves et de boues, engloutissant une trentaine de personnes. L’affolement fut grand à Saint-Pierre ; le gouverneur Mouttet vint dans la journée réconforter la population. La situation du volcan étant stationnaire, le Gouverneur rentra à Fort-de-France, le mardi 6 mai, dans l’après-midi. L’avis des gens compétents était que la lave avait trouvé issue par la vallée de la Rivière Blanche et que Saint-Pierre n’était pas menacé.
Dans la nuit du 6 au 7, un orage éclata. Le 7, le volcan fumait abondamment ; les rivières débordèrent. « La population de Saint-Pierre, dit M. Lhuerre, entra dans une émotion indescriptible. » Le maire, à deux heures de l’après-midi, téléphonait au Gouverneur pour lui demander l’envoi d’un détachement destiné à maintenir l’ordre dans la ville. Le Gouverneur arriva lui-même à quatre heures, accompagné de Mme Mouttet, du colonel Gerbault et de sa femme et de quelques fonctionnaires. L’arrivée du Gouverneur et la publication d’un communiqué officiel rassurant calmèrent un peu les habitants de Saint-Pierre. Voici ce communiqué :
« La Commission chargée d’étudier les phénomènes volcaniques de la montagne Pelée s’est réunie hier soir, 7 mai, à Saint-Pierre, à l’hôtel de l’Intendance, sous la présidence de M. le Gouverneur.
« Après examen des faits constatés successivement depuis le commencement de l’éruption, la Commission a reconnu :
« 1o Que tous les phénomènes qui se sont produits jusqu’à ce jour n’ont rien d’anormal et qu’ils sont au contraire identiques aux phénomènes observés dans tous les autres volcans ;
« 2o Que les cratères du volcan étant largement ouverts, l’expansion des vapeurs et des boues doit se continuer, comme elle s’est déjà produite, sans provoquer des tremblements de terre ni des projections de roches éruptives ;
« 3o Que les nombreuses détonations qui se font entendre fréquemment sont produites par des explosions de vapeurs localisées dans la cheminée, et qu’elles ne sont nullement dues à des effondrements de terrain ;
« 4o Que les coulées de boue et d’eau chaude sont localisées dans la vallée de la Rivière Blanche ;
« 5o Que la position relative des cratères et des vallées débouchant vers la mer permet d’affirmer que la sécurité de Saint-Pierre reste entière ;
« 6o Que les eaux noirâtres roulées par les rivières des Pères, de Basse-Pointe, du Prêcheur, etc., ont conservé leur température ordinaire et qu’elles doivent leur couleur anormale à la cendre qu’elles charrient.
« La Commission continuera à suivre attentivement tous les phénomènes ultérieurs, et elle tiendra la population au courant des moindres faits observés ».
Les journaux aussi prêchaient le calme et la confiance !
« N’y a-t-il pas lieu, dit l’Opinion, aujourd’hui comme en 1851, de charger une Commission, composée d’hommes compétents, de se rendre sans retard au Prêcheur pour examiner le phénomène d’aussi près que possible et rassurer ceux qu’alarme le spectacle qu’offre à cette heure la montagne Pelée.
« Les habitants du Prêcheur et des environs sont dans la consternation. Une véritable pluie de cendres s’abat sur les hauteurs de cette commune. Les écoles sont fermées. À Saint-Pierre, beaucoup de personnes commencent à s’émouvoir.
« Nous avons lu le rapport adressé au Gouverneur en 1851, par la Commission qui avait examiné le