AUX PAYS DÉVASTÉS : LA MARTINIQUE ET SAINT-VINCENT[1]
près avoir vu toutes les misères et les horreurs d’un cataclysme sans
pareil, d’une tuerie sinistre et atroce, je me repose trois jours dans
une île idéale, la Trinidad, qui tranche avantageusement avec la terre
que je viens de quitter. J’y trouve un hôtel des plus confortables, de
bonnes voitures, des trams électriques, une police à l’européenne qui
sait tenir le nègre en respect. Un excellent bateau-annexe du Royal
Mail me conduit à Tabago d’abord, à Grenade ensuite, et, en dernier
lieu, à Saint-Vincent, où une dévastation, pareille à celle de la Martinique,
a détruit à peu près la moitié de l’île.
Saint-Vincent est une des plus petites îles des Antilles ; elle n’a que 27 kilomètres de longueur du nord au sud, et sa largeur moyenne n’est que de 17 kilomètres. Après avoir quitté la Grenade, on longe l’archipel des Grenadines, véritable chapelet d’îlots, à peine habités. La capitale de Saint-Vincent, Kingstown, se trouve à l’extrémité sud ; c’est une petite ville sans importance. En dehors de Château-Belair, sur la côte ouest, et Georgetown sur la cote est, l’île ne compte que quelques bourgs de très peu d’étendue ; sa population totale est un peu au-dessous de cinquante mille habitants. Autrefois, les plantations de sucre y étaient relativement prospères ; aujourd’hui, elles sont insignifiantes. Les planteurs se livrent principalement à la culture de l’arrow-root, dont la racine, réduite en fécule, est employée dans la fabrication du cacao et du chocolat, ainsi que dans quelques produits pharmaceutiques ; ce que l’île produit en manioc, en cacao et en fruits, est de peu d’importance. C’est à peine si un tiers est cultivé, une grande partie étant occupée par une chaîne volcanique qui, en maints endroits, représente le désert. Plusieurs sommets s’élèvent à une
- ↑ Suite. Voyez page 433.