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rendant à la capitale pour faire leurs provisions ; ils nous regardent sans étonnement et plutôt avec sympathie, réservant leur haine pour les Japonais orgueilleux et méprisants.

COMMENT ON FERRE UN CHEVAL EN CORÉE. — D’APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DU COMTE J. DE PANGE.

Cette partie de la Corée est donc très accidentée, et dans la rivière Salée se jettent de nombreux ruisseaux fertilisant la campagne après avoir dévalé des collines déboisées ; il paraît qu’autrefois elles étaient couvertes de magnifiques forêts, si l’on en croit la vieille littérature locale, mais on défriche sans souci de l’avenir, et l’apathie de chacun est trop grande pour oser espérer la reconstitution du domaine forestier.

Le trajet de Séoul se fait dans des wagons confortables, bien chauffés, à couloir central et banquettes en cuir ; la vitesse ne dépasse pas 40 à 50 kilomètres, et le prix est de 4 francs ; il y a sept stations et, pendant longtemps, on fut obligé de s’arrêter à 4 kilomètres de la capitale pour prendre un pousse-pousse afin d’achever la route ; ce retard provenait de la construction d’un pont à plusieurs arches jeté sur la rivière Salée. Cet endroit est resté célèbre dans les annales des missions par l’assassinat de plusieurs missionnaires qui furent décapités, et dont la mort nécessita l’expédition française de 1866.

Le train s’arrête à la gare de la Porte du Sud, en dehors de la muraille d’enceinte qui entoure la capitale et se hérisse, par places, de fortins et de meurtrières incapables d’arrêter les armées modernes. À peine descendu, on est en butte aux sollicitations des traîneurs de pousse-pousse, appelés aussi « combawa », qui nous harcèlent et se disputent l’honneur de nous conduire. À l’époque où je visitai Séoul, il était difficile, pour un étranger arrivant à l’improviste, de trouver un logement ; il n’y avait qu’une « chaïa » ou auberge japonaise, dont nous dûmes nous contenter faute de mieux ; la cuisine n’y fut pas trop orientale et le lit ou « phtong » nous permit de nous reposer, après avoir été charmé par la musique des « geishas » que tout hôtelier attache à sa maison pour retenir ses hôtes.

Le lendemain de notre arrivée, nous reçûmes la visite de deux missionnaires, les pères P… et V…, qui venaient nous offrir aimablement l’hospitalité à l’évêché ; nous avons bien vite accepté et, notre déménagement opéré, nous nous retrouvions quelques instants après dans le salon épiscopal, entouré d’un groupe de jeunes prêtres, dont quelques-uns étaient débarqués récemment de France.

Les missionnaires catholiques, dont j’ai déjà parlé, sont au nombre de quarante-deux, disséminés dans