Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 10.djvu/150

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confiante dans le loyalisme de ses gardes, elle allait cacher sous un toit inconnu sa misère « dorée » toujours en péril ; elle dépouillait le soir les attributs extérieurs de sa souveraineté et, dissimulée sous un humble costume, empruntait chaque jour à une de ses femmes une couche plus sûre que la couche impériale.

Les Japonais étaient renseignés par des espions sur les déménagements fréquents de leur grande ennemie ; les soldats du mikado profitèrent d’une nuit obscure pour forcer les portes du palais et se diriger sans hésitation vers la maison qui leur avait été désignée. L’impératrice fut assassinée et, pour faire disparaître tout souvenir matériel de ce crime politique, son corps enduit de pétrole fut brûlé ; une maison voisine porte encore les traces de l’incendie. L’empereur, après avoir été fait prisonnier, put s’échapper et se réfugier à la légation de Russie d’où il dirigea pendant quelque temps les affaires publiques.

Tous ces événements jetèrent l’émotion, non seulement dans la population autochtone, mais aussi dans les différentes colonies étrangères. Il semblait que c’était la fin de la Corée et de son indépendance, et sa mise en tutelle sous le joug moscovite ou japonais. Le développement économique paraissait aussi devoir être retardé ou monopolisé par l’une ou l’autre de ces puissances, et beaucoup d’appétits financiers craignaient de ne pouvoir se satisfaire aussi aisément que dans le passé. Le contraire se produisit, cette révolution de palais fut suivie d’une révolution économique des plus importantes.

SÉOUL : « LE VIEUX PALAIS » ABANDONNÉ DEPUIS L’ASSASSINAT DE L’IMPÉRATRICE. 1o PORTE PRINCIPALE ET ESCALIER D’HONNEUR.
2o SALLE DU TRÔNE (LES BOISERIES SONT PEINTES EN ROUGE, JAUNE OU VERT) — PHOTOGRAPHIES DE M. J. DE PANGE.

De ces bouleversements politiques date une nouvelle ère, marquée par l’exploitation plus sérieuse des richesses minières et agricoles du pays, par le développement des moyens de communication, par la création d’institutions de crédit et de différentes industries et, enfin, par la civilisation progressive des habitants.

S. M. Li-Hsi est un esprit suffisamment éclairé pour ne pas s’effrayer des innovations étrangères, des idées de progrès tel que nous l’entendons ; il ne craint pas, comme son ancien suzerain, les transformations matérielles, les créations de chemins de fer, les ouvertures de ports trop longtemps fermés et n’immobilise pas sa pensée dans l’admiration des choses passées.