LA BRETAGNE DU SUD[1]
IV. — Le Pays de Lorient.
Port-Haliguen, je prends le bateau à vapeur qui fait le service de la
poste pour Belle-Île-en-Mer. Ce n’est pas un bien beau bateau, et l’on
a tout à fait l’impression que l’on ne tiendrait pas très longtemps la haute
mer, par un gros temps, sur ces planches qui paraissent mal jointes. Peut-être
cette idée vient-elle aussi parce que le ménage ne paraît pas « bien
fait ». Je ne parle que pour cette année-là, bien entendu, et tout est peut-être
maintenant astiqué, reluisant, doré. Mais je revenais alors de Jersey
et Guernesey, et j’avais le souvenir des bateaux anglais si parfaitement
tenus, qui me faisait paraître mon bateau français avec une piteuse mine.
La traversée, toutefois, fut excellente, mais aussi le temps était extraordinairement
calme. Une après-midi de chaleur sur la mer. La torpeur
du ciel et de l’eau, du même bleu pénétré de toutes les influences de la
lumière. L’Océan plus uni, plus tranquille que la Seine, et c’est l’idée
d’un lac immobile qui est suggérée par cette mer du mois d’août. C’est
une ardente symphonie de couleurs embrasées, que le vapeur est seul à
troubler par sa fumée épaisse, c’est un murmure délicieux de l’eau,
presque le silence, s’il n’y avait le halètement de la machine et les cris aigus des mouettes.
- ↑ Suite. Voyez pages 409, 421 et 433. — Les photographies qui ont servi aux illustrations sont de M. Paul Gruyer.