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CONCARNEAU EST ENTOURÉ DE REMPARTS, QUI FONT UNE CEINTURE GRISE AUX MAISONS DOMINÉES PAR LE CLOCHER.


LA BRETAGNE DU SUD[1]

PAR M. GUSTAVE GEFFROY.


V. — Le Pays de Quimperlé.


Quimperlé. — Le hibou du clocher. — Le silence de la nuit. — Le réveil. — Les tabliers de toutes les couleurs. — L’histoire d’un monastère. — L’église Sainte-Croix. — Saint-Michel. — La forêt de Clohars-Carnoët. — La vie des bois. — La fête des oiseaux à Toulfouën. — La Laïta. — Le Pouldu. — Colonie anglaise. — Douëlan. — Pont-Aven. — Les peintres conquérants. — Rustephan. — Concarneau. — Magnificences de la table d’hôte. — La vieille ville. — Les pêcheurs. — Le jardin de Bretagne. — Gaieté et sérénité. — Les vieilles femmes. — Les fêtes et les danses. — L’archipel des Glenans.


COIFFE DE QUIMPERLÉ.


La petite ville de Quimperlé peut servir à résumer la Bretagne du Sud, dans cette région du Finistère, comme Morlaix et Saint-Pol-de-Léon représentent la Bretagne du Nord. Ici, toutes les verdures, toutes les couleurs affluent, tous les aspects de nature surgissent.

Que l’on arrive par une soirée de clair de lune, ce sera la ville du doux apaisement et du surgissement fantastique, les carrefours vides, les ruelles tournantes aux pignons penchés en avant, aux rez-de-chaussée en retrait. Le clocher de Saint-Michel est posé sur les maisons de la ville montante comme un éteignoir. Bientôt, si la lumière verdâtre, bleue et rose de la lune, vient errer aux découpures de la pierre, ce clocher prend nettement, par ses angles, ses arêtes et sa balustrade, la physionomie d’un énorme hibou, d’un grand-duc coiffé d’une couronne carrée, avec la taie blanche de l’horloge sur un œil. Il est retenu là, posé sur son nid de pierre, depuis le xve siècle, et le son de cloche qui est sa voix est bien une voix d’autrefois, vieillotte, fêlée, bizarre, prolongée en chevrotements et en grognonnements par des ondes sonores très lentes, qui n’en finissent pas de descendre sur la ville et sur la rivière.

C’est tout ce qui anime la nuit de Quimperlé, cette voix d’il y a longtemps. Tout dort du sommeil des humbles villes, de ce sommeil qui est vraiment le sommeil, la petite mort de l’humanité. Aucun pas sur le pavé des rues, aucun roulement de voiture au bout d’une chaussée, pas même le sifflement du chemin de fer sur la hauteur. Tout s’est arrêté à la fois, et l’oreille attentive ne peut percevoir, par moments, qu’une

  1. Suite. Voyez pages 409, 421, 433 et 445. — Les photographies qui ont servi aux illustrations sont de M. Paul Gruyer.