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CHAPELLE DE TRÉMALO : UN MUR À PEINE HORS DE TERRE, UN IMMENSE TOIT, UN PETIT CLOCHETON.

pation anglaise, délivrance par Du Guesclin, guerres de la Ligue. Il est resté de cela une enceinte garnie de créneaux à mâchicoulis, flanquée de tours épaisses, percée de quelques portes indispensables. Ce logis rébarbatif abrite aujourd’hui une école de pêche. Hors de Concarneau, on peut aller visiter le château-musée de Keryolet, légué au département par la comtesse Chauveau-Narischkine. L’extérieur est un mauvais décor imité du xve siècle, mais il y a quelques beaux objets à voir, un retable, des tapisseries, des faïences, une collection de coiffes… Mieux vaut parcourir la campagne, qui est d’une grandeur et d’une somptuosité rares.

C’est un jardin que toute cette région de Bretagne située au versant sud des montagnes Noires, un ancien et doux jardin, aux arbres séculaires, aux champs de fleurs, splendidement délimité par le bleu de saphir de la mer. De Quimperlé à Douarnenez, à l’exception de ces deux promontoires désolés, sinistres et grandioses, la pointe de Penmarch, la pointe du Raz, il y a un admirable pays de repos, de charme, de gaieté.

Cette dernière remarque n’est pas excessive. Il y a vraiment une gaieté spéciale en Bretagne, une gaieté de la nature et des habitants. Déjà, dans le nord du pays, aux rivages de la Manche, par les rues des villes monacales, dans l’existence régulière et rêveuse, la tristesse a ses haltes, la mélancolie a ses sourires. Je pense surtout aux femmes du pays en écrivant ceci, à celles qui révèlent si vite leur tranquille acceptation de la vie, qui vaquent aux occupations régulières de l’existence avec une activité si permanente, une grâce si discrète, des mains vives, un visage inaltérable. Il en est d’autres, de tous les genres, et des pires, comme partout. Mais je m’en tiens volontairement ici à celles qui sont l’expression et l’honneur de la race, et qui la représentent bien avec son fond de rêveuse pensée. Même celles-là parmi lesquelles on trouverait les plus significatifs symboles de douleur profonde, de misère muette, même celles-là montrent à certaines heures un goût de récréation, l’imagination fine, le caractère enjoué. Elles savent profiter des intermèdes, prennent au sérieux leurs plaisirs comme leurs peines, prouvent leur participation vitale par leurs toilettes méditées, leur présence aux fêtes, leur préoccupation de l’amour. Et non seulement les jeunes filles, les jeunes femmes, mais les vieilles aussi ont, à leurs heures, sur leurs visages anciens, une lueur de cette joie qui équilibre les peines de la vie. Dans les fêtes, les noces, les pardons, il y a toujours des vieilles charmantes, très douces et très simples, très bienveillantes aussi, et qui disent toujours leur « Au revoir ! » leur « kennavo ! » comme si elles faisaient savoir que peut-être on ne les reverrait plus dans ces assemblées joyeuses, mais qu’elles seraient bien contentes d’y revenir tout de même encore, une fois ou deux !

Davantage encore, dans le sud du pays, aux contrées de verdure étagées au-dessus de l’Atlantique,