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LES CHAMPS DE ROCS ÉPARPILLÉS DE PENMARCH.

morceau d’étoffe, drap ou velours, posé sur le dessus de la tête, qui laisse visibles les cheveux de la nuque, et qui est surmonté d’une toute petite coiffe nouée sur le côté du visage. Les jupons sont de longueurs différentes, laissant voir leurs bordures de velours ; les manches aussi sont ornées, de même que les corsages jaunes ou rouges, et le tablier de couleur achève le costume. Les vestes des hommes sont aussi brodées d’ornements, lesquels sont parfois des sentences. Les hommes sont coiffés de chapeaux ronds, à petits bords, garnis de rubans de velours. Les femmes, rondes comme des cloches du fait de ces jupons, semblent des Laponnes. Elles passent pour laides, mais il y en a de fort jolies. La vérité, c’est qu’elles sont surtout singulières pour ceux qui les voient en gardant une idée préconçue de la beauté, avec leur visage court et plat, leur nez un peu camus, leurs yeux bleus préoccupés, au regard souvent fixe. Toutes n’ont pas le teint hâlé, couvert de taches de rousseur, mais le teint blanc et rose, le teint des femmes des pays du Nord.

La route de Penmarch suit une direction sud-ouest, grimpe sur une hauteur, à travers des landes, des pins et des cultures. On peut faire un arrêt au château de Kerniz, appartenant à la famille du Châtellier, et visiter le musée où sont nombreux les objets intéressants : tels les diadèmes druidiques en or massif, et tant de figurines romaines en terre cuite trouvées à Tronoën, apportées en Gaule par les soldats romains, dieux lares en voyage, précieux fétiches, pour la plupart des Vénus et des Junon, parmi lesquelles une particulièrement charmante, une Vénus svelte, élégante, de joli mouvement, une main qui caresse les cheveux, l’autre qui pend sur la hanche, les hanches légèrement indiquées, les seins haut placés, la coiffure ronde, divisée en bandeaux. Il y a aussi à voir une sépulture gauloise, un étrange dolmen sur lequel ont été sculptées les figures de Mars, Mercure, Hercule.

À Plomeur, le pays s’appauvrit encore. C’est la plaine rase, sans un arbre, où quelques pierres druidiques servent d’abord de points de repère ; puis ce sont des clochers dominant des groupes de maisons basses. Ce terrain de roches et de landes envahi par le vent, c’est le territoire de Penmarch qui apparaît comme l’emplacement d’un monde disparu. L’imagination s’est plue à croire qu’il y avait ici une magnifique cité, remplie d’églises, et tout un commerce florissant. Gustave Flaubert, écrivant ses impressions de voyage en Bretagne, a répété, après Émile Souvestre, que des rues s’ouvraient, toutes consacrées à un commerce spécial : la rue des Argentiers, la rue des Orfèvres, la rue des Merciers… Anatole Le Braz n’a pas eu de peine à démontrer le peu de solidité de ces hypothèses, et je n’examinerai pas de nouveau la question au