Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 10.djvu/477

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point de vue historique. Je ne puis que relater les on-dit et les opinions. L’aspect de nature semblerait indiquer que jamais si grosse ville n’a pu s’élever et durer ici. Le nombre des églises n’y fait rien, ni leur importance. Une église n’était pas faite spécialement pour une ville, mais commandait la campagne. La paroisse pouvait être considérable, alors que l’église n’était entourée que des quelques maisons d’un hameau. Il suffisait que le clocher fût aperçu de loin, que les laboureurs, cachés dans leurs chaumines ou courbés sur leurs sillons, entendissent la volée de ses cloches que le vent de mer leur apportait. Ce vent, parfois, jetait le clocher à bas ; on le rebâtissait, parce que c’était chose sacrée. Mais il serait invraisemblable qu’on ait voulu, à toute force, établir une ville, qui ne pouvait y tenir, sur ce sol rude, sous les assauts du vent et de l’Océan. Les villes s’établissent tout naturellement au bord des rivières et des fleuves, dans les riches vallées, couvrent les flancs des collines. À la rigueur, des villages peuvent se nicher n’importe où, à proximité des champs. Partout où le sol peut être labouré s’élève une maison. Une seconde maison s’ajoute à la première, puis une troisième, un groupement se fait, c’est le hameau, c’est le village, le sentier peut devenir chemin, le chemin peut devenir route. Mais une ville ne se bâtit ni sur un plateau exposé aux neiges, ni sur une avancée de roc exposée au péril de la mer. On exagère donc beaucoup, très probablement, l’importance de la ville ancienne de Penmarch, ruinée par le raz de marée qui a ravagé la partie sud de la presqu’île de Cornouailles, ou du moins réduite aux proportions d’un modeste village ou plutôt fragmentée en villages et hameaux. Tous les raz de marée possibles ne feraient pas qu’il y ait eu ici un sol propice, le milieu nécessaire à l’existence d’une très grande ville. D’autre part, pour tout dire, un port de mer sûr, bien abrité, peut donner naissance à une ville. La barque appelle la maison et l’entrepôt. On peut donc admettre, à défaut d’une ville qui couvrait toute la presqu’île, d’une cité colossale aux nombreux clochers, une ville de pêcheurs, d’armateurs, de commerçants. On parle de quinze mille habitants à Penmarch, de huit cents bateaux qui faisaient, sur la côte même, la pêche de la morue. C’est à peu près l’importance de Douarnenez et de Concarneau, qui ont environ sept cents bateaux. Or il y a environ dix mille habitants à Douarnenez, et six mille habitants à Concarneau. L’ancien Penmarch a pu être une grosse bourgade de ce genre. Mais la légende s’en est mêlée. On a cru voir, sous les flots, une autre ville plus vieille encore que Penmarch, ensevelie sous les flots. C’est la ville d’Is, dont on entend sonner les cloches par certains temps. Autrefois, on disait la messe, en bateau, sur ces vagues recouvrant un monde, pour le repos de l’âme des ensevelis.

Un port, des barques et la pêche de la morue, voilà donc le passé certain de la région. La présence des bancs de morues dans les eaux de Penmarch avait attiré des pêcheurs, et le duc Jean V dut publier, en 1498, un édit interdisant aux laboureurs d’abandonner leurs terres sous peine de la hart. Tous, en effet, voulaient, sinon faire fortune, du moins vivre en profitant de l’aubaine naturelle, le commerce de la « viande de carême » donnant plus de bénéfices que les champs de la presqu’île. Émile Souvestre, qui a recueilli les on-dit et a tenté d’en faire de l’histoire, écrit à ce propos : « Penmarch avait alors un port formé par une longue jetée, dont on voit encore les vestiges et qui s’étendait depuis Kerity jusqu’au rocher appelé la Chaise. Quant à la ville, elle couvrait tout l’espace actuellement compris entre les petits hameaux de Pen-

SAINT-GUÉNOLÉ EN PENMARCH ET SON ÉGLISE CONSTRUITE EN FORTERESSE.