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Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 10.djvu/479

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march et de Kerity, comme l’attestent les amas de décombres disséminés sur cet espace. L’étendue de son circuit n’avait point permis de l’environner de fortifications, mais comme sa position l’exposait à une descente des Anglais et des pirates, la plupart des riches habitants avaient mis leurs demeures à l’abri d’un coup de main en les entourant d’un mur crénelé et en les fortifiant d’une petite tour à beffroi. La découverte du grand banc de Terre-Neuve fut le premier coup porté à la prospérité de Penmarch ; il lui restait pourtant son commerce avec l’Espagne, commerce de toiles, de chanvre, de bestiaux, etc. » C’est ici que se place le raz de marée qui abîma le port et fut cause du déplacement des bancs de morues. Toutefois, Souvestre continue : « Au commencement du xvie siècle, c’était encore une ville considérable. Henri II accorda, en 1557, à celui de ses arquebusiers qui abattrait le Papegaut, le droit de débiter sans taxe quarante-cinq tonneaux de vin, privilège que Rennes et Nantes n’avaient pu obtenir ; mais vers cette époque, les attaques des pirates devinrent plus fréquentes et lui causèrent de grands dommages. » Finalement, Souvestre dit la perte par une tempête (est-ce le raz de marée ?) qui fit périr trois cents bateaux, montés chacun par sept hommes. Beaucoup de marchands quittèrent alors Penmarch avec tout ce qu’ils possédaient, pour aller s’établir à Roscoff, à Quimper, à Brest et à Audierne.

Pendant la Ligue, les habitants ne voulurent s’enrôler dans aucun parti ; ils bâtirent un fort à Kerity, mirent quelques maisons des plus exposées en état de défense, et transformèrent l’église de Tréoultré en arsenal et en lieu de refuge pour les femmes, les enfants et les vieillards. Cela ne suffit pas pour arrêter Fontenelle, qui pénétra par ruse dans la ville, où ses hommes tuèrent et saccagèrent sans merci. Moreau dit que la principale tuerie fut dans l’église, où les habitants avaient leurs lits autour de la nef et jusqu’auprès du grand autel. Le bandit fit transporter à l’île Tristan, dans la baie de Douarnenez, trois cents barques de butin. Malgré ces malheurs, Penmarch n’est pas en déchéance croissante. À l’époque où Souvestre écrivit sa relation de voyage, les deux hameaux ne comptaient que dix-huit cents habitants, ils en abritent aujourd’hui six mille. Il y a des barques de pêche et des confiseries de sardines à Kerity et à Saint-Guénolé.

LE REMPLISSAGE DES BOÎTES DE SARDINES.

Il reste, de l’époque qui vient d’être évoquée, quelques vieilles maisons qui ont conservé leur ceinture de murailles de défense et sont flanquées de tourelles. Il reste aussi six églises ou chapelles dont la plus importante est Saint-Nonna. Une inscription placée au porche dit ceci : « Le jour saint René 1508, fut fondée cette église, et la tour l’an 1509, dont était recteur Kl Jégou. » L’édifice est d’aspect massif et imposant, orné de gargouilles humoristiques, de ceps de vigne, de vaisseaux sculptés à la façade, et dominé par une solide tour carrée à contreforts et une flèche élancée. À l’intérieur, une cuve baptismale sculptée, un tableau placé près du maître-autel et rappelant le passage de Louis XIII à Penmarch. L’église de Kerity, plus ancienne, s’accompagne des restes d’une commanderie des Templiers : cette église est en loques, comme une vieille mendiante, mais elle a encore grand air et mine farouche. Les églises, je l’ai dit, abondent sur ce sol dénudé. C’est l’église Saint-Pierre, c’est la chapelle Notre-Dame de la Joie, c’est la chapelle Saint-Fiacre. Une des plus belles est l’église de Saint-Guénolé avec sa tour carrée, construite, elle aussi, en forteresse, avec ses guérites pour les veilleurs, et son portail à navires sculptés.

Mais il est bien d’autres fortifications au bord de la mer, d’immenses pierres plates sur lesquels le flot ruisselle, des rochers déchiquetés contre lesquels le flot se brise. À marée basse, ce sont des champs de rocs éparpillés, ressemblant à des troupeaux d’animaux cherchant pâture, guettant leurs proies. Lorsque la mer monte, c’est le spectacle d’une force continue et irrésistible. La marée vient d’abord par minces ourlets arrondis qui festonnent le sable de