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dissement de 13 887 habitants. Deux foires s’y tiennent, le 24 Février et le 15 Novembre, où affluent les blés des vastes plaines de la Saône.


Si l’on vient de la gare, on franchit l’enceinte de la ville entre deux gros bastions de pierre, restes du Donjon, élevé, en 1502, par Louis XII. Il fut démantelé en 1606 par ordre de Henri IV, sur la demande des habitants qui voyaient d’un mauvais œil ce vieux souvenir féodal. Si l’on arrive par la route de Dijon, on passe sous la Porte Triomphale de Saint-Nicolas, qui semble, au premier abord, quelque débris antique. Elle fut élevée au xviiie siècle sur l’emplacement de l’ancienne Porte du Bourg-Neuf, percée jadis dans le rempart, abattue à cette époque, et par laquelle les ducs de Bourgogne, les rois de France et les gouverneurs faisaient leur entrée dans Beaune. Cette enceinte de la ville, avec son rempart là où il subsiste et ses fossés noyés de jardins, représente un cercle parfait. Un boulevard moderne la marque et l’englobe extérieurement.

Le plan intérieur de la petite cité, qui forme un ensemble complet, est infiniment ingénieux. Sauf deux grandes voies transversales, correspondant aux quatre entrées principales, et se coupant en croix, l’une du nord au sud, l’autre de l’est à l’ouest, toutes les autres rues, reproduisant le dessin de l’enceinte, se développent en cercles concentriques, reliés par des rayons, et, ménageant habilement leurs courbes trompeuses, semblent faire de cette ville minuscule une grande ville. L’étranger, qui s’y perd, y tourne sur lui-même avec étonnement sans en pouvoir sortir, et revenant toujours à son point de départ.

Au centre de la circonférence, où s’intersectionnent les deux voies transversales, dont l’une ou l’autre nous amène, se trouve le Beffroi, du xve siècle, qui avait autrefois pour voisin l’Hôtel de Ville, de même époque, détruit en 1795. C’est une tour carrée à quatre horloges, récemment restaurée, élégante dans sa force, aux arêtes vives, et dont la toiture aiguë est coiffée de la lanterne à jour des anciens veilleurs. Devant le Beffroi s’étend la petite place Monge plantée de tilleuls, avec la statue de Monge[1], par Rude[2], bronze puissant et sobre. Puis, à quelques pas à peine, derrière une halle moderne, prétentieusement laide, hétéroclite et criarde, s’allonge, avec son immense toit d’ardoises argentées, surmonté en son milieu d’une flèche élancée, la sombre façade de l’Hôtel-Dieu, ou Hospice du Saint-Esprit.

SALLE DU CONSEIL DE L’HOSPICE ET TAPISSERIES DES FLANDRES, DU XVIIe SIÈCLE, REPRÉSENTANT L’HISTOIRE DE JACOB (LE DÉPART DE JACOB ET SON ADIEU À ISAAC ; LE SOMMEIL DE JACOB) (page 414).

L’Hôtel-Dieu, « royal palais plutôt que logis des pauvres », monument unique en France, fut fondé en 1443, par Nicolas Rolin[3], chancelier de Philippe le Bon, duc de Bourgogne et comte de Flandre[4]. Nicolas Rolin commençait à se faire vieux et à songer à ses fins dernières ; il avait, devait dire plus tard Louis XI, en ricanant, « fait assez de pauvres dans sa vie pour qu’il leur préparât un asile avant de mourir ». Toujours est-il qu’il n’y ménagea pas le luxe, ni la dépense. Guigone de Salins, sa seconde femme, l’aida dans son œuvre charitable et présida, en 1448, à l’installation près des malades, dans l’édifice terminé, des Hospitalières du Saint-Esprit, dont l’Ordre était originaire de Flandre et avait une succursale à Valenciennes.

  1. Né à Beaune ; 1746-1818.
  2. Né à Dijon ; 1784-1855. La statue est de 1849.
  3. 1380-1461.
  4. Philippe le Bon (1396-1467) était fils de Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière. Il hérita de la Bourgogne à la mort de son père, assassiné au pont de Montereau, en 1419, du Brabant et du Limbourg, en 1430, par son cousin germain Philippe de Saint-Pol ; il y adjoignit, quelques années après, le duché de Luxembourg. L’union politique de la Bourgogne et des Pays-Bas, qui en résulta, explique cette incursion d’art flamand sur le territoire français qu’est l’Hôtel-Dieu de Beaune. Philippe le Bon eut pour fils Charles le Téméraire, qui fut le dernier duc de Bourgogne.