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Sombre façade, avons-nous dit, et qui semble plutôt un flanc d’église. Quelques fenêtres ogivales, et deux ou trois autres carrées, toutes bardées de fer, percent seules la muraille nue, où s’enfonce un tronc grillagé, pour les offrandes des passants. Il fallait pouvoir braver jadis un coup de main, une poussée de soldatesque ou de malandrins. Un auvent gothique, qui s’accroche au-dessus de la porte, arrête cependant le regard, léger et gracieux, pareil à un dais, avec quatre fléchettes de plomb repoussé, à personnages et à banderoles. Un heurtoir avec un lézard, dont le visiteur, en cognant, annonce son arrivée, et le guichet, ajouré comme un damier, à travers lequel on lui répond, sont deux admirables ouvrages de serrurerie, deux joyaux de sculpture de fer. Le seuil franchi, le lourd battant de chêne se referme sur vous, et c’est alors comme un coup de magie.

LE BALCON COUVERT DU PREMIER ÉTAGE DE LA COUR INTÉRIEURE DE L’HOSPICE SEMBLE, AVEC LA LONGUE ROBE BLANCHE DES SŒURS ET LEUR COIFFURE EN HENNIN, UN DÉCOR DE MISSEL.

Il y a de la féerie dans la Cour Intérieure de l’Hospice de Beaune. Tout concorde à y saisir la vue, à frapper l’esprit. Les vastes bâtiments qui la bordent et se replient en encoignure, de style flamand, avec charpentes de bois apparentes, sont couverts de tuiles vernissées, brunes et jaunes, décrivant de grands dessins, pareilles à des peaux écailleuses de serpents. Une galerie à colonnettes de pierre court tout le long du rez-de-chaussée, soutenant au premier étage un balcon couvert, où s’appuient à leur tour les hautes lucarnes des toits. De ces lucarnes surgit, comme un fouillis pressé de mâts de navires, une forêt de pignons de plomb, de flèches, de girouettes, de banderoles et d’épis, aux mille ornements variés, rosaces et soleils d’or, couronnes, masques humains, figures des Rois Mages. Et, dans cet éclatant décor de missel, vont et viennent les hauts hennins carrés des Sœurs, leurs robes, blanches l’été ou bleues l’hiver, qui glissent rapides.

Ces bâtiments, où d’importantes restaurations ont été exécutées, ces dernières années, par les soins de la Commission des Monuments Historiques[1], abritent les différents services de l’Hospice : la Pharmacie, ancienne Apothicairerie, décorée encore de ses poteries de faïence peinte, aux inscriptions cabalistiques,

  1. Les plomberies des toits qui furent copiées en partie, au milieu du siècle dernier, dans la restauration de la Sainte-Chapelle de Paris, ont été refondues. Leurs anciens moules de pierre ont été retrouvés sous les combles de l’Hospice. Plus récemment (1902-1907), les toitures, qui s’effondraient, ont été refaites, et leurs tuiles vernissées ont été remplacées, selon le modèle des tuiles primitives, qui existaient encore en partie. La dépense s’est élevée à 140 000 francs environ.