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entourent le pied comme des lunettes : chacun a son modèle préféré. Celui adopté par ce skieur de première force pour ses propres patins me paraît si pratique que je lui en commande pour moi. Ces courroies, imitées du système jadis en usage chez les paysans de Norvège, pourvues de crochets et d’œillets, m’ont donné toute satisfaction. Il importe que ces lanières ne serrent pas étroitement le pied et qu’elles puissent être facilement mises en place et détachées. Pendant le voyage, il faut à chaque instant les déplacer ; le soir, arrivé au bivouac, il est nécessaire de les démonter et de les prendre avec soi dans la tente. Sans cette précaution, pendant la nuit, elles seraient avalées par les chiens ; ces animaux considèrent ces bandes de cuir comme des friandises. Johansen empaquette les vivres dans les cantines, et fabrique des piquets de tente.

Pendant que nous travaillons avec ardeur aux préparatifs du grand voyage, Presterud dessine des cartes et copie des tableaux. Chaque traîneau doit emporter un carnet renfermant la liste des vivres contenus dans les cantines et les tables nécessaires au calcul des observations. Sur ces livres, on inscrira chaque jour les provisions consommées ; à tout instant, nous pourrons ainsi connaître le contenu des caisses. À la suite on notera les observations, ainsi que la distance couverte durant l’étape, la route suivie, etc.

JOHANSEN CHARGEANT UNE CANTINE DE LAIT EN POUDRE.

Telles sont nos diverses besognes pendant les « heures de travail ». Mais ce ne sont pas les seules. J’ai distribué à mes compagnons leur vestiaire, afin qu’ils puissent le modifier si bon leur semble. En fait de fourrures de renne, chaque homme a reçu deux complets, avec moufles et jambières, l’un épais, l’autre plus léger ; en outre, des jambières en peau de chien et des mocassins en peau de phoque. De plus à tous ont été donnés des lainages et des vêtements pour se préserver du vent. Les fourrures furent mises au point les premières ; un long travail, car aucune n’avait été faite sur mesure. L’un trouvait le capuchon de son anorak trop long, l’autre trop petit ; un troisième devait raccourcir son pantalon, tandis qu’un quatrième était obligé de l’allonger. Sans répit, tous nous tirons l’aiguille, soit pour ajouter une pièce, soit pour ourler un morceau.

Nous confectionnons des masques pour nous protéger la figure contre les morsures du froid ; j’en coupai un que je crus naturellement supérieur à tous les modèles en usage. Le premier jour où je l’employai je revins le visage à moitié gelé.

Les sacs de couchage sont l’objet de nos soins les plus attentifs. Johansen travaille avec assiduité à un sac double de son invention. Dieu sait combien de peaux il y emploie ! Bjaaland est non moins absorbé par les changements qu’il apporte au sien. Les autres se déclarent satisfaits du modèle adopté et se bornent à raccourcir ou à allonger les leurs. Chaque sac est enfermé dans une enveloppe en toile mince, destinée à empêcher la neige de pénétrer pendant la marche dans nos lits roulés sur les traîneaux. En outre cette housse protège la fourrure contre la condensation de l’haleine pendant le sommeil. Au lieu de se déposer sur les poils, les produits de cette condensation demeurent sur la toile, où ils forment une couche de glace ; il est par suite aisé de se débarrasser de ce dépôt. L’enveloppe doit être plus longue que le sac, de manière à pouvoir être enroulée autour du cou et empêcher ainsi l’haleine de pénétrer dans le lit. Nos sacs sont doubles, l’un intérieur en peau mince de faon ou de femelle de renne, l’autre, plus épais, en peau de mâle. Ce dernier pèse environ 6 kilogrammes. Ces deux poches se ferment en les serrant autour du cou au moyen de lacets. Ce modèle m’a paru le plus commode, le plus simple et le plus agréable ; aussi, je ne saurais trop le recommander.

Les lunettes sont un article fort important de l’équipement polaire. Pendant l’automne, j’en portai de jaune clair. Pour l’expédition au Pôle, craignant qu’elles ne fussent insuffisantes, j’ouvris un concours pour le meilleur type. Celui qui fut primé se composait de disques de cuir percés d’une très petite fente. Durant