Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 19.djvu/74

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trouve aujourd’hui, dit l’un. — Oh ! il n’est pas encore sorti, reprend un autre. Il fait bien trop froid pour ses poneys. » À quoi je réponds : « Oui, si dans le détroit Mac Murdo la température est aussi rigoureuse qu’ici, mais à mon avis dans les montagnes elle doit être moins basse. Vous pouvez donc croire que nos concurrents ne restent pas inactifs. Ces gaillards-là ont montré ce dont ils sont capables. »

Je suis décidé à tenter la chance à la première occasion tant soit peu favorable. Si ensuite le froid devient trop intense, nous reviendrons en arrière… Et voilà que septembre arrive, avec 40° sous zéro. Quoique cette température soit supportable, je décide de patienter encore. Le 2, le thermomètre tombe à −53°, puis le 6 remonte à −29°, et le 7 à −22°. Une légère brise d’est semble un souffle printanier. Aussi bien le départ est fixé à demain.

LES DIFFÉRENTS MODÈLES DE LUNETTES DE NEIGE.

8 septembre. — Nous nous levons et déjeunons à l’heure habituelle, puis commençons immédiatement le branle-bas de l’appareillage. Nous avons à atteler douze chiens aux traîneaux vides, qui nous ont voiturés à la Place du Départ. L’opération est terriblement laborieuse ; pour amener les bêtes et les harnacher, deux hommes sont nécessaires à chaque véhicule. Les conducteurs prudents ont solidement attaché leurs traîneaux à un piquet profondément enfoncé dans la neige ; d’autres se sont contentés de retourner les leurs ; d’autres enfin n’ont pris aucune précaution. Tout le monde doit être prêt au moment où le véhicule de tête s’ébranlera, sans quoi il sera impossible de retenir les chiens.

Au moment où le signal du départ va être donné, éclate un hurlement formidable : deux attelages détalent à fond de train sans maîtres. On se met aussitôt à leur poursuite, mais impossible de les joindre. Dans ces conditions, nous prenons le parti de nous acheminer vers la Place du Départ et d’y attendre les équipages en bordée. Au cours de cette promenade, je vais juger si les conducteurs ont bien en main leurs bêtes ; toutes vont, en effet, essayer de prendre la direction suivie par les fugitifs. Trois de mes compagnons réussissent à maintenir leurs attelages dans la bonne voie, tandis que deux autres filent d’un autre côté.

Enfin, à midi, la caravane se trouve réunie sur les bords de la Grande Barrière. Les chiens sont attelés aux traîneaux chargés et, à 1 h. 30 du soir, la colonne s’ébranle. Perdant bientôt nos anciennes traces, nous nous guidons sur la ligne de cairns surmontés de pavillons qui s’espacent de 2 kilomètres en 2 kilomètres. La piste est excellente, par suite la marche rapide. Aujourd’hui, l’étape est courte : 19 kilomètres.

9 septembre. — La première nuit au bivouac n’est jamais agréable ; celle-ci fut particulièrement mauvaise. Nos quatre-vingt-dix chiens font un tel vacarme qu’il est impossible de fermer l’œil une minute. Aussi dès quatre heures du matin nous nous levons.