Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 20.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des moindres attraits. Sous un ciel toujours ensoleillé, dans un climat d’une douceur réputée, vit une population partout accueillante et qui joint à l’avantage d’un physique agréable les charmes d’une imagination très vive et d’une entraînante gaîté. Olivarelles, magnanarelles, gentilles ouvrières de l’industrie des fleurs, quels jolis tableaux ne formez-vous pas dans la séduisante nature qui sert de cadre à vos travaux ! Et quel impérissable souvenir laisse dans l’esprit sans cesse éveillé du voyageur une visite aux monuments, aux paysages, aux industries de la Provence !


Lorsque, amenés de Paris en quelques heures par un des rapides du soir, nous quittons la grande et industrieuse cité de Lyon, le paysage de la vallée du Rhône défile sous nos yeux dans un décor incomparable. Une double ligne de collines, puis de montagnes, tour à tour verdoyantes ou dénudées, encadre le fleuve indompté. Des bourgs perchés sur les hauteurs, des châteaux forts en ruines jalonnent son parcours et la végétation du Midi fait bientôt son apparition avec son inévitable cortège d’amandiers, de chênes verts, de mûriers, d’oliviers. Nous dépassons Vienne, la vieille capitale des Allobroges, Valence, à l’entrée du Vercors, dominée par la ruine féodale de Crussol ; de noirs cyprès, un peu partout disséminés en rangées protectrices dans la plaine, marquent notre entrée au pays du mistral et nous descendons à Orange, la première étape de notre voyage.

La florissante colonie romaine d’Auguste, l’ancienne principauté des Nassau, n’est plus aujourd’hui qu’une bien modeste et bien calme sous-préfecture, mais elle possède deux monuments de l’époque romaine qui sont hors de pair : un arc et un théâtre.

L’arc d’Orange est, sans contredit, l’un des plus beaux arcs romains que possède la France et l’un des mieux conservés. Sa date précise est assez difficile à déterminer ; on peut affirmer cependant qu’il existait déjà au commencement du ie siècle de l’ère chrétienne, ce qui est établi par les traces d’une inscription votive qui avait été scellée sur l’architrave de la façade nord et dans laquelle les archéologues s’accordent à voir une dédicace à l’empereur Tibère, en l’an 25 de notre ère. Quelle fut l’occasion de son érection ? Les uns pensent qu’il fut destiné à célébrer une victoire de Rome sur le chef des Éduens, Sacrovir, dont le nom se lit sur l’un des boucliers des trophées, mais a pu être gravé après coup ; d’autres admettent qu’il s’agit d’un monument commémoratif de la fondation de la ville. Peu nous importe ; ce qui nous captive, c’est la noblesse et la majesté des lignes, la magnificence de l’ornementation.

Sa situation hors de la ville, à l’extrémité d’une avenue verdoyante, au centre d’un vaste rond-point, le met parfaitement en valeur. Ses trois arcades barrent la route nationale de Lyon, que l’on voit fuir en ligne droite vers le Nord et l’on conçoit qu’à une époque où le souci de la défense l’emportait sur le culte de l’architecture ancienne, les princes des Baux, puis les princes d’Orange aient songé à l’utiliser comme forteresse avancée. Cette affectation nouvelle n’a pas été sans monument de sérieux dommages ; les soldats ont toujours été peu soucieux des beautés de l’art et nous aurons, dans quelques jours, à Avignon, l’occasion de gémir, au Palais des Papes, sur le vandalisme de l’administration militaire. Que ce fût au xiiie ou au xixe siècle, le résultat a été le même. On l’a fortement atténué à Orange par d’intelligentes restaurations, on tente de le faire au Palais des Papes, mais il y a des destructions irréparables et la façade occidentale de l’arc d’Orange en est une preuve.

MAILLANE. DEVANT SA MAISON, MISTRAL, DONT LA VERTE VIEILLESSE EST TOUTE DE BONNE GRÂCE (page 256).

Tel qu’il est aujourd’hui, ce bloc de pierre, long de 19 m. 48, profond de 8 m. 50 et haut de 18 m. 80, conserve une superbe allure avec les douze colonnes corinthiennes de son rez-de-chaussée, le fronton