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Pierre Parrocel et de Pierre Mignard, une vierge en marbre de Pradier, un siège épiscopal du xiie siècle, le mausolée gothique de Benoît XII et surtout le tombeau du pape Jean XXII, le grand pape d’Avignon : on le considère comme le plus beau monument funéraire du Moyen âge, le pape y est représenté couché sous un haut baldaquin gothique d’une grande richesse, dont les délicates sculptures de marbre blanc ont malheureusement été fort endommagées à l’époque révolutionnaire. Les cérémonies du culte s’y déroulent avec une pompe magnifique, souvenir du séjour des Papes qui marqua la phase la plus brillante de l’histoire d’Avignon

Ce fut Clément V qui, abandonnant Rome, transféra la résidence de la papauté à Avignon. « Soumise aux rois de Naples, comtes de Provence, qui étaient les feudataires du Saint-Siège, touchant au Comtat Venaissin, propriété des souverains Pontifes, voisine enfin de l’Italie, cette ville présentait un grand nombre d’avantages ; c’était une sorte de terrain neutre qui confinait mais n’appartenait pas à la France[1]. » Au printemps de l’année 1309, Clément V fit son entrée solennelle à Avignon, entouré du Sacré Collège des cardinaux dont le doyen s’écria : l’Église ne reviendra pas de longtemps en Italie, je connais les Gascons !

Jean XXII, élu en 1316, eut l’idée de la construction du palais et fit creuser les fondations du château pontifical. « Ce fut une chose assez étrange que de voir ce Pape plus que septuagénaire, d’une taille très petite et de la complexion la plus faible, entasser pierre sur pierre et bâtir un gigantesque monument sur un terrain qui ne lui appartenait pas, sans que le roi de Naples, comte de Provence et seigneur de la ville d’Avignon, apportât la moindre opposition à son entreprise. » Benoît XII, le « cardinal blanc », fit raser les constructions commencées par Jean XXII et leur substitua le Palais apostolique dont la partie septentrionale fut terminée par l’immense tour de Trouillas.

Son successeur Clément VI, à la suite d’un sacre fastueux, appela par une bulle tous ceux qui avaient des grâces à lui demander. Il vint plus de 100 000 ecclésiastiques qui reçurent des libéralités et des bénéfices, car suivant la maxime du Pape : « personne ne devait sortir mécontent du palais d’un souverain. » Jeanne de Naples, fille du dernier roi, Robert, propriétaire d’Avignon comme héritière des comtes de Provence, vint à la cour pontificale en 1317 et, suivant acte de vente du 9 juin 1348, le Pape lui acheta la ville au prix de 80 000 florins d’or. Devenu propriétaire de sa résidence, Clément VI s’efforça de l’embellir, continua le palais par l’adjonction de la salle du consistoire et de la chapelle pontificale décorée par les plus habiles peintres italiens, commença en 1350 les remparts qu’il édifia des Doms à la porte du Rhône, reconstruisit en 1452 quatre arches du pont Saint-Bénezet. En 1347 une peste terrible avait ravagé la ville, « les vivants ne suffisaient pas à enterrer les morts », la belle Laure de Sade fut au nombre des victimes. La charité de Clément VI fut inépuisable durant ces jours sinistres et Froissart représente « les povres juifs, ars et escacés (chassés) par tout le monde, excepté en terre d’Église dessous les clés des Papes. » Une nouvelle épidémie de peste noire, faisant 17 000 victimes dont 100 évêques et 9 cardinaux, éclata en 1360 sous le pontificat d’Innocent VI, fondateur de la Chartreuse de Villeneuve qu’il appela la Vallée de Bénédiction.

L’ÉGLISE DE NOVES, PATRIE DE LA BELLE LAURE (page 276).

Mais sainte Catherine de Sienne avait « promis à Dieu d’obtenir le retour des Papes à Rome ». « Comme vicaire de Jésus-Christ, écrivait-elle à Grégoire XI, vous devez vous reposer dans la ville qui vous appartient en propre. » Le Pape la fit venir à Avignon où on lui avait préparé « une belle maison avec une chapelle très ornée ». Il la reçut le 18 juin 1376 en consistoire solennel, assis sur le trône, en présence du Sacré-Collège. Ce fut la dernière cérémonie pontificale. Le 13 septembre 1376, Grégoire XI fit armer en secret une galère sur le Rhône, « les portes du Palais s’ouvrirent tout à coup ; le Pape, accompagné de quinze cardinaux, s’apprêtait à descendre vers le fleuve ; la mule qu’on lui présenta d’abord se cabra et refusa son cavalier, accident qui

  1. Guilbert. Histoire des villes de France.