SUR LES ROUTES DE PROVENCE[1]
IV. — LA CAMARGUE ET LA CRAU — L’OLÉICULTURE
e matin, au réveil, une agréable surprise nous est réservée. Du
Maries, près des bords du petit Rhône, un gardian est venu, porteur
d’une invitation du marquis de Baroncelli-Javon qui, avec sa bonne
grâce coutumière, a bien voulu fixer à l’époque de notre passage, la
date d’une ferrade. Il nous y convie et nous y courons avec empressement,
car la ferrade est un des épisodes les plus captivants de la vie
de Camargue. Vachettes et bouvillons sauvages, mélangés au troupeau
qui vit en liberté dans le marais, ont atteint l’époque de leur sevrage ;
il s’agit de les séparer de force des tétines maternelles et de
les marquer, en même temps, au fer rouge, du signe adopté par leur
propriétaire, qui permettra de les reconnaître parmi les autres manades
où ils pourraient s’égarer.
Le mas a la rustique simplicité des fermes de ce pays ; dans la cour, vigoureux gaillards, souples et bien découplés, l’œil noir et le visage ouvert, les gardians sont assemblés et le maître vient vers nous la main tendue. À quelque cents mètres, dans un vaste marais, le troupeau mélangé des bœufs farouches et des fières cavales parait tondre paisiblement l’herbe courte. Le premier épisode de la cérémonie va commencer. Il s’agit de séparer d’abord les chevaux du reste de la troupe ; ce n’est qu’un jeu pour les gardians ; sans selles et sans étriers, montés sur de fins coursiers, ils gagnent le marais dans un galop rapide et ramènent bientôt les cavales qui défilent devant nous, tête haute et crinière au vent. On les conduit dans un pâturage voisin. Cependant les gardians reviennent au mas, reçoivent leur trident et se dirigent de nouveau vers le troupeau : les
- ↑ Suite. Voyez page 253, 265 et 277.