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Celle-ci, de son côté, recommence la même cérémonie et, le défilé continuant, l’agneau passe de main en main pour être finalement replacé dans le chariot. Puis la pieuse troupe, après avoir reçu la bénédiction de l’officiant, rentre dans l’assistance. Au moment de l’élévation, pendant que les fidèles ont la tête baissée, la tradition veut qu’on presse trois fois la queue de l’agnelet qui fait entendre trois bêlements plaintifs. Le lendemain, à la messe solennelle, se répétera la même scène. » Chaque année de nombreux visiteurs accourent à cette poétique cérémonie à l’issue de laquelle de joyeux réveillons s’organisent. On nous assure que les convives s’y comptent par centaines, et il est prudent de retenir sa place à l’avance…

De la cité des Baux, il ne reste que des ruines, mais d’autant plus impressionnantes qu’elles se mélangent, se soudent pour ainsi dire à des crêtes, à des massifs, à des blocs aux formes capricieuses, en sorte que les bizarreries de la nature ajoutent au paysage un caractère de sauvage et mystérieuse grandeur. « Mon regard s’arrêta étonné, écrit Jules Canonge dans l’histoire de la ville des Baux en Provence, sur un ensemble de tours et de murailles perchées à la cime d’un roc, tel que je n’en avais jamais vu. Mon étonnement redoubla quand j’eus gravi une éminence d’où la ville entière se déploya devant moi : c’était un tableau de grandeur désolée comme ceux que nous fait rêver la lecture des prophètes ; c’était ce dont je ne soupçonnais pas l’existence, c’était une ville presque monolithe. Ceux qui eurent les premiers la pensée d’habiter ce rocher taillèrent leur abri dans ses flancs. Une ville sortit bientôt comme une statue du bloc d’où l’art la fait jaillir, une ville imposante avec ses fortifications, ses chapelles et ses hospices, une ville où l’homme semblait avoir éternisé sa demeure… » Mais rien n’est éternel ici-bas ; aujourd’hui, 200 ou 300 habitants peuplent à peine l’agglomération des Baux que l’administration des Monuments Historiques a presque entièrement classée, afin d’assurer la conservation du site et des monuments. Nous n’en ferons pas une description détaillée et technique ; l’énumération des principales curiosités suffira pour donner l’idée de leur importance.

FONTVIEILLE. LE MOULIN D’OÙ ALPHONSE DAUDET DATA SES LETTRES CÉLÈBRES (page 306).

Le pignon de l’Hôtel de Ville (1634) porte la fameuse « étoile à seize rais » de la maison des Baux. Dans la Grande Rue, dont les maisons sont des xve et xvie siècles, voici la façade renaissance de l’habitation du tabellion Quénin. Un peu plus loin l’hôtel des Manville a conservé des fenêtres d’une rare pureté de style ; on lit sur une frise d’entablement la célèbre devise de la Réforme : « Post tenebras lux » (la lumière après les ténèbres). La maison seigneuriale des Porcelets, actuellement école communale, a été heureusement restaurée : on voit au rez-de-chaussée, dans une salle voûtée avec fresques, les figures allégoriques des quatre saisons. Les Porcellets, marquis de Maillanne s’illustrèrent au Moyen âge ; ils prirent pour devise, aux grands jours d’Arles : « D’abord la race des Dieux, puis la famille des Porcelets de Maillane ; » (Genus Deorum, deinde gens Porcella Maillana) ; et lorsque le roi René dictait les devises de la noblesse, son qualificatif était « Grandour di Pourcelet ». L’origine même de leur nom est légendaire en Provence. Parmi les ancêtres de cette famille, dit une tradition, se trouvait une orgueilleuse dame qui repoussa durement une pauvresse chargée d’enfants, lui reprochant sa progéniture que sa misère ne pouvait nourrir. Or cette mendiante était une fée, et sa vengeance imposa à la dame d’accoucher d’autant d’enfants qu’une truie pleine, qui par hasard se trouvait là, ferait de porcelets. La truie mit bas neuf porcelets, et la dame accoucha d’autant d’enfants qu’on appela les Porcelets…