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entrant sous les hautes pinèdes des bois de Carry au sortir desquelles le petit port de Sausset étale la double ligne de ses jetées.

LES SALINES DE PORT DE BOUC (page 309).

Au milieu d’un vaste parc remarquablement tracé, où les roseraies alternent avec les corbeilles de géraniums rutilants et de fleurs multicolores, où les hauts palmiers poussent en pleine terre, où les sous bois offrent des retraites fraîches et mystérieuses, se dresse une élégante villa dominant la mer de ses terrasses et de ses immenses verrières. C’est un véritable régal artistique de visiter cette belle demeure où les galeries de tableaux de maîtres, les meubles de style, les objets d’art sont harmonieusement disposés. Le propriétaire est M. Jules-Charles Roux, l’une des personnalités les plus marquantes de la Provence dont il a fait connaître la beauté par ses ouvrages où se révèle une passion pour la terre provençale, en même temps qu’il en développait la richesse par sa haute compétence industrielle. En vérité, ce lieu de repos fut bien choisi au-dessus du petit havre de Sausset abritant uniquement quelques barques de pèche, dont le calme offre un saisissant contraste avec l’agitation fébrile du port de Marseille pourtant tout proche, et où notre passage éveille à peine la curiosité des marins occupés au raccommodage des filets.

La côte de l’Estaque festonne tout le long du rivage en capricieux crochets, au travers de bois de chênes et de sapins. Nous la suivons jusqu’à Carry-le-Rouet, jolie station balnéaire fréquentée par les Marseillais. Nous voudrions prolonger cette promenade par les calanques de Méjean, de Niolon et de l’Establon, mais cette partie du littoral, qui sera bientôt traversée par la nouvelle ligne du P.-L.-M., n’est actuellement accessible que par des sentiers de douaniers ou de chèvres dans lesquels nous craignons de nous perdre. Nous voici donc remontés sur les hauteurs où perchent les villages d’Ensues et de Roye ; et ce n’est pas la partie la plus captivante de notre excursion. Des rochers dénudés, de maigres pâturages, des côtes interminables sans un arbre, la chaleur torride de midi. Nous avons hâte de quitter cette région désertique. Le défilé sauvage du Resquiardou, muraille aride dont le calcaire blanc est tout crevasse de ravines, nous amène à l’Estaque, au milieu des travaux gigantesques du chemin de fer et du canal de jonction du Rhône à Marseille. Les éboulements de rochers, les coups de mines, les sifflements des locomotives, le ferraillement des convois de ballast, le halètement des foreuses électriques, le grincement des poulies et des grues à vapeur font un vacarme assourdissant, tandis qu’une poussière fine et pénétrante nous enveloppe de ses nuages gris. Nous tenons néanmoins à jeter un coup d’œil sur les travaux du canal de jonction, et la bienveillance de l’administration des ponts et chaussées se prête obligeamment à la réalisation de ce désir.

Le percement du souterrain, en cours d’exécution, constitue la première partie d’un plan dont la réalisation mettra le port de Marseille en communication directe avec Arles, par voie d’eau. D’après le projet dressé par les services des ponts et chaussées le 17 juillet 1893 et dont l’exécution a été déclarée d’utilité publique par le Parlement à la suite de rapports très étudies, présentés notamment par M. Jules-Charles Roux, le canal de jonction partira du bassin de la Madrague à Marseille, longera la côte jusqu’à la pointe du Lave, devant le cap Janet et l’Estaque, traversera en tunnel le massif du Rove, débouchera dans l’étang de Berre dont il suivra la côte sud jusqu’à Martigues, empruntera le canal de Martigues à Port-de-Bouc à