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l’après-midi à la pointe de la Hutte. Trouvé tout le monde en bonne santé. Depuis notre départ, le temps a été ici fort mauvais ; d’abord un blizzard très froid, puis une brise de Sud-Ouest constante, avec −28°,8. Le vent empêchant la mer de geler le long de la côte, l’eau libre arrive jusqu’à la pointe de la Hutte.

Les habitants de la cabane ne possèdent plus qu’une mince provision de graisse ; ils ont, il y a deux jours, tué un phoque et un second aujourd’hui.

Mercredi, 19 avril. — Pointe de la Hutte. Pendant la nuit, calme. À midi le détroit gelé se solidifie ; devant la pointe, les plaques ont une épaisseur de 12 centimètres. On tue trois phoques. Après le déjeuner, tout le monde travaille à rapporter les dépouilles à la cabane. Nos camarades sont maintenant à la tête d’une provision de graisse pour douze jours.

Vendredi, 21 avril. — À 10 h. 30, départ pour la station. Je confie à Meares le commandement de la cabane ; avec lui demeurent Demetri comme chef de la meute, Lashley et Keohane pour surveiller les poneys, Nelson, Day et Ford afin qu’ils s’entraînent aux fatigues de l’exploration polaire. Je retourne avec Wilson, Atkinson, Crean, Bowers, Oates, Cherry-Garrard et Hooper.

Vent de côté, glacial ; quelques « morsures » de froid. Vers 2 h. 30, nous arrivons au bas de la pente, au-dessus de la falaise dominant la banquise. La corniche, au sommet de cet escarpement, s’est éboulée. Brise et tourbillons de neige terriblement désagréables. La descente de l’escarpement glacé est laborieuse. Bowers et quelques autres descendent à la corde sur la banquise ; les traîneaux chargés suivent ; puis les autres se laissent glisser le long du câble enroulé autour d’un solide piquet en frêne.

Quand tous les bagages ont été amenés sur la banquise, sous les tourbillons de neige, le froid se fait cruellement sentir. Immédiatement alors nous nous attelons aux traîneaux et, en toute hâte, allons chercher un abri au pied des falaises. Rapidement les tentes sont montées, et le réchaud allumé. Après nous être réconfortés, nous repartons à 4 h. 30. Marche pénible sur la banquise et très mauvais éclairage pendant la traversée de la Langue du glacier. Comme toujours dans cette région, nous perdons la route et, après avoir fréquemment trébuché dans des crevasses, nous reprenons enfin terre à l’endroit accoutumé. Nous continuons ensuite sans arrêt jusqu’à l’île Little Razor Back, peinant terriblement pour haler notre véhicule. De l’avis de Crean, bien que les charges soient égales, notre traîneau est beaucoup plus dur à tirer que celui de l’autre escouade. Bower approuve par politesse ; au fond, je suis persuadé que lui et son escouade pensent que ce sont là raisons de gens fatigués. Rien ne vaut l’expérience, et nos camarades acceptent de changer de traîneau. Quelle différence entre les deux véhicules ! Celui de l’escouade de Bowers nous parait léger comme une plume en comparaison du nôtre. Dès lors nous prenons une allure rapide. En arrivant, nous étions trempés de sueur.

Nos amis de la station sont ravis de notre retour. L’excellent aménagement des quartiers d’hiver enthousiasme tous les arrivants.


(À suivre.) Adapté par M. Charles Rabot.


LA PRÉPARATION DES TRAÎNEAUX POUR L’EXPÉDITION AU PÔLE.