Aujourd’hui, Wilson, Oates, Cherry-Garrard et Crean sont partis avec leurs poneys pour la pointe de la Hutte. À cinq heures, pour la première fois, la sonnerie du téléphone retentit[1]. On m’annonce que les chevaux ont effectué le trajet dans des conditions satisfaisantes.
Samedi, 7 octobre. — Comme pour nous donner un démenti, Jéhu a accompli ce matin le plus aisément du monde 5 kilomètres et demi en tirant une lourde charge. Longues et joyeuses conversations par téléphone avec les habitants de la pointe de la Hutte.
Dimanche, 8 octobre. — Mauvaise journée. En gravissant un iceberg pour poser devant Ponting, Clissold fait une chute très grave et tombe sans connaissance. Son état inspire de sérieuses inquiétudes. À peine Clissold a-t-il été ramené à la maison, que je reçois la nouvelle d’un second accident. Taylor, parti en bicyclette pour Turk’s Head, est tombé épuisé, dans la baie du Sud. Une escouade partie à son secours le trouve fort mal en point.
Mardi, 10 octobre. — L’état de Clissold reste inquiétant. Malgré ses souffrances, il manifeste la ferme intention de partir avec nous. Le temps n’est guère favorable. À chaque instant des coups de vent et du chasse-neige. Quel affreux et triste printemps !
Vendredi, 13 octobre. — Depuis trois jours, nos malades vont heureusement mieux. Aujourd’hui, par exception, beau temps. Le soleil est si chaud que nous restons dehors, assis, pendant l’après-midi.
Très doux dans l’écurie ou à la promenade, Christopher devient indomptable dès qu’il aperçoit le traîneau. On ne peut l’atteler qu’après l’avoir entravé et que si trois hommes le maintiennent. Avec cela, quel rusé compère ! Aujourd’hui, il marchait tranquillement, conduit par Oates, quand un chien vint aboyer près de lui ; aussitôt par un brusque écart, il arrache la bride à Oates. Une fois en liberté, il n’a rien de plus pressé que de se débarrasser de sa charge. En imprimant à son traîneau de petites secousses, il fait tomber deux ballots de foin ; après cela, apercevant d’autres traîneaux, il fonce de leur côté avec l’intention évidente de les accrocher et, par ce moyen de se débarrasser des caisses restées sur son véhicule. À trois ou quatre reprises différentes, il recommença le même manège. Il fallut se mettre à quatre pour le rattraper et, quand on eut réussi à l’arrêter, il essaya de lancer un mauvais coup à ceux qui étaient parvenus à le dompter.
Dimanche, 15 octobre. — Le temps devient plus chaud. Le thermomètre marque seulement 16° ou 17° sous zéro, une température délicieusement douce, nous semble-t-il. Nous sommes pour ainsi dire prêts.
Mardi, 17 octobre. — Ce soir les traîneaux automobiles sont descendus sur la banquise. L’opération ne va pas sans incidents. À deux reprises, au passage de monticules de neige, la chaîne d’un tracteur saute ; mais à peine est-elle remise en place que d’autres avaries se produisent. Nous aurions tort de fonder grand espoir sur ces machines.
Lundi, 23 octobre. — Depuis longtemps les réparations des autos sont achevées, le temps est beau ; aussi ai-je décidé de les mettre en route aujourd’hui. Tous nous descendons sur la banquise pour leur « donner le départ ». Hélas ! ils n’allèrent pas loin pour leur début. Diverses petites avaries obligent les chauffeurs à s’arrêter au cap Evans et à revenir à la station pour les réparer.
Mardi, 24 octobre. — À 10 heures, les autos se remettent en marche. Leurs débuts sont très laborieux et très lents. À 12 h. 30 ils sont seulement à 1 500 mètres dans la baie du Sud.
À 1 heure, les automobiles sont parvenues au large de l’île de Razor Back, à près de 5 kilomètres ; bravo ! Ce matin, Meares a téléphoné la nouvelle de son arrivée à la pointe de la Hutte, retour de Corner Camp. Tous les approvi-
- ↑ Quelque temps auparavant, une ligne avait été posée, entre les quartiers d’hiver et la cabane de la pointe de la Hutte, par Meares.