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bien. À droite, vue sur les monts Adams Marshall et Wild, remarquables par leurs très curieuses stratifications horizontales.

Après-midi. — Terrain très accidenté en avant d’une zone de séracs. Faute de trouver une meilleure route, nous nous engageons dans ce dédale. Plus loin, le glacier s’élargit en une vaste cuvette accidentée d’ondulations irrégulières, où les progrès sont un peu plus rapides ; malheureusement cette amélioration ne persiste pas. Toute l’étape a donc été pénible ; quoi qu’il en soit, elle dépasse 42 km. et demi. À présent, plus que cinq jours de retard sur Shackleton.

Mardi, 19 décembre. — Après une zone facile au départ, un dédale de crevasses. En tombant dans deux de ces trous, je reçois de fortes contusions au genou et à la cuisse ; néanmoins nous continuons et finalement arrivons sur un champ de glace admirablement uni. À partir du dernier kilomètre, le névé recouvre la majeure partie du glacier ; par suite, halage plus pénible. Enfin nous sommes dans le cirque supérieur du glacier. Les différents massifs rocheux qui l’encadrent semblent tout proches.

Au bivouac, Evans et Bowers prennent des relèvements, comme ils l’ont fait toute la journée ; nous aurons donc les matériaux d’une excellente carte. Des journées telles que celle-ci donnent du cœur.

Mercredi, 20 décembre. — Ce matin nous avons accompli la meilleure marche que nous ayons jamais effectuée : plus de 19 kilomètres. Avec celle de l’après-midi, cela fera une bonne étape : 36 km. 8 et gain de 240 mètres en hauteur.

J’ai prévenu Atkinson, Wright, Cherry-Garrard et Keohane que demain soir ils reviendront en arrière. Tous sont désappointés. Je redoutais cette nécessité excessivement pénible de faire un choix parmi mes compagnons. Suivant notre programme, nous devions partir du 85° 10 de latitude avec douze « unités » de vivres[1], et huit hommes. Or demain soir, à un jour près, nos approvisionnements seront réduits à cette quantité. Après tant de difficultés, nous avons lieu d’être satisfaits d’un pareil résultat.

Jeudi, 21 décembre. — Excellente étape qui nous a conduits sur un emplacement propice à l’installation d’un dépôt. Demain nous partirons avec le chargement complet que nous devrons haler sur le plateau. La première marche nous révélera donc si la victoire est possible. La température est tombée au-dessous de −17°, mais ce soir l’air est si calme et si clair que l’on éprouve dans la tente une douce sensation de bien-être et de chaleur. Grâce à ce beau temps nous opérons facilement cette nuit le tri des approvisionnements. Ma tâche, en pareille circonstance, est singulièrement allégée par l’infatigable activité du petit Bowers.

Aujourd’hui, nous avons gagné une grande altitude ; je souhaite que nous ne soyons pas obligés de redescendre, mais nous devrons, semble-t-il, incliner légèrement pour marcher ensuite au Sud-Ouest. Nous en sommes à notre quarante-troisième campement. Il y a cinquante et un jours que nous sommes en route.


(À suivre.) Adapté par M. Charles Rabot.


LES CARNETS DU CAPITAINE SCOTT DANS L’ENVELOPPE QUI LES CONTENAIT PENDANT LE VOYAGE AU PÔLE.
  1. Une « unité » comprenait des vivres pour quatre hommes pendant une semaine.