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La femme est l’os de l’épaule de Taaroa…

Un autre nom de la femme est Tefaimairaro,… de même que Taaroa est appelé aussi Tefaimaina…

D’eux naquit Oneura (le sable rouge), vint ensuite Onemea (le sable blanc) : ce furent les sables de la terre. Puis naquit Oro, qui est devenu dieu et demeure au-dessus de la voûte du ciel.

Vint ensuite Tane, vint ensuite Teiri, vint ensuite Tefatu, vint ensuite Moe, vint ensuite Ruanuu, vint ensuite Tu, vint ensuite Toahiti, vint ensuite Tauutu, vint ensuite Temeharo, vint ensuite Punua te Fatutiri, et ce sont les seuls qui naquirent dieux.

Puis naquit une femme dont le nom fut Hina tutupo (Hina qui bat l’écorce pendant la nuit[1]) : sa fonction était de battre l’écorce de l’Auté pour la cohorte des dieux.

…Voici le pehe ou chant de Taaroa lorsqu’il étendit Havaï[2], comme on étend de l’herbe sur le sol, lorsqu’il étendit la Terre : « Étendez-vous, sables rouges ! étendez vous, sables blancs ! Fleurs du cocotier, épanouissez vous ! Oh ! les gémissements, les cris de douleur de la terre dans le travail de sa création !… Tane-nui-mana-ore, en disposant tout en ordre, arrange le sable pour ma petite pirogue, étends-le pour ma grande pirogue ! Étends, étends, jusqu’à ce que tout soit fini ! Vite, à l’œuvre ! à l’œuvre ! à l’œuvre ! jusqu’à ce que tout soit fini. » C’est ainsi que Tetumu (la cause, l’origine) étendit Havaï, comme on étend de l’herbe sur le sol.

…Taaroa but alors de l’ava[3] et s’enivra. Il appela Pani, qui était son ami. Pani lui dit : « Ô Tupuaitu, qu’y-a-t-il ? Les feux de Maurai sont éteints ; le coq de Raroata, le chien d’Arava et le cochon de Fetuna se sont tus. On n’entend plus que le Tutua[4] de Mauoro où Hina tutupo bat l’écorce de l’Auté pour les vêtements des dieux et de Taaroa. » Mais Taaroa se mit à gronder, et dit à Pani : « Ce Tutua me bourdonne dans les oreilles. » Pani lui répondit : « C’est Hina qui bat l’écorce de l’Auté. — Va la trouver et dis-lui de cesser, qu’elle trouble l’ava du Tupuaitu. » Pani alla trouver Hina et lui dit de cesser, qu’elle troublait l’ava du Tupuaitu. Hina lui répondit : « Je ne cesserai pas, je bats l’écorce de l’Auté pour les vêtements des dieux, pour Taaroa, pour Oro, pour Tane, pour Teiri, pour Tefatu, pour Moe, pour Ruanuu, pour Tu, pour Toahiti, pour Tauutu, pour Temeharo, pour Punua te Fatutiri. » Pani revint et fit savoir au Tupuaitu que Hina ne voulait pas cesser. Taaroa ordonna de nouveau à Pani d’aller parler à Hina. Par trois fois, Pani se rendit vers Hina. La colère le gagna parce qu’elle ne voulait pas écouter sa parole. Il prit le Ie et la frappa sur la nuque : elle mourut. L’âme de Hina s’envola dans le ciel. Elle reçut le nom de Hina-nui-aia-i-te-marama, c’est-à-dire la grande Hina prenant possession de la lune, et depuis Hina demeura dans la lune.

Traduit du tahitien par M. L. Gaussin.

(La suite à une autre livraison.)




DÉCOUVERTE DE GRANDS LACS AFRICAINS.

(Voyage de MM. Burton et Speke, 1858-59.)


Il y a trois ans, le public qui s’intéresse aux découvertes géographiques apprit avec un grand étonnement que des missionnaires protestants, établis non loin de Zanzibar, avaient découvert, à dix degrés de la côte, une immense mer intérieure de plus de 400 lieues de long, sur une largeur indéterminée. Ils ne l’avaient pas vue, mais voici ce qui les avait menés à cette combinaison. Les ports de Pangain, à l’embouchure de la rivière de ce nom, de Bagamoyo, juste en face de Zanzibar, de Quiloa et de Kisango, jadis possessions portugaises, sont les quatre principales stations de la côte de Zanguebar et de celle de Mozambique, du 5° au 14° de latitude sud. Or, toutes les caravanes qui partent de ces quatre points aboutissent, après un voyage plus ou moins long, à des masses d’eau énormes : de quoi les savants missionnaires de Rabat Mpia conclurent assez logiquement que toutes ces masses d’eau n’en faisaient qu’une, et ils la nommèrent Vniamesi. La nouvelle mer prit possession de toutes nos nouvelles cartes. Cependant quelques géographes protestèrent, et déjà l’année précédente un voyageur, dont les connaissances scientifiques n’étaient pas égales au courage, mais qui a rendu à la science des services trop vite oubliés, feu M. Brun-Rollet, avait deviné sur sa carte de l’Afrique orientale, d’après des renseignements recueillis dans le pays, et même d’après les premières informations des mêmes missionnaires, trois lacs distincts, dont le plus septentrional était coupé par l’équateur ; mais, ébranlé sans doute par la contradiction, il supprima la partie inférieure de sa carte, et on va voir s’il eut raison.

L’an dernier, deux vaillants voyageurs, qui avaient déjà fait leurs preuves en matière d’excursions africaines et autres, MM. Burton et Speke, officiers de l’armée de l’Inde, se mettaient en route sous les auspices de la Société géographique de Londres et sous la protection du sultan de Zanzibar, prince arabe de Maskate qui donne un fort heureux démenti à ceux qui prétendent que le génie arabe est antipathique à la marine. Ils s’arrêtèrent à peine à Zanzibar, qui eût pu, s’ils n’avaient pas été sous l’empire d’une préoccupation absorbante, mériter un examen plus approfondi. C’est une ville à peu près

  1. Les anciens vêtements étaient en écorce battue.
  2. Havaïki, Savaïki ; cette tradition, suivant nous, se rapporte à Savaii, du groupe Samoa ou des Navigateurs.
  3. Kava dans d’autres archipels, liqueur enivrante.
  4. Tutu signifie battre (l’écorce) ; le tutua est le morceau de bois sur lequel on bat l’écorce, le je est le battoir.