assure-t-on, à assaillir de sarcasmes les individus qui s’approchent de son séjour.
« Le village de Navuso est placé au conflnent du Wai-Levu et du Wai-Manu dont la réunion forme la Rewa proprement dite. C’est le chef-lieu du district de Naitasiri. Le chef nous fit un accueil empressé et nous promit de nous procurer toute l’assistance qui serait en son pouvoir, pour l’exécution de notre entreprise. Korai Ravula, chargé de lui communiquer un message de Thakombau, par lequel celui-ci l’invitait à nous faire accompagner par des personnes de confiance auprès des chefs de l’intérieur qui relevaient de son autorité, remplit sa mission dans un discours très-éloquent, dont la conclusion fut l’offre de deux dents de cachalot et d’autres présents que nous avions emportés pour cette circonstance. Ko-Mai-Naitasiri nous adressa ses remercîments dans un discours conforme à la rhétorique vitienne, au milieu d’un tonnerre d’acclamations et d’applaudissements que fit éclater l’assemblée de ses courtisans et de ses amis. Un repas composé de porc, d’ignames, de taro, servi dans des plats de bois portés par des femmes, nous fut ensuite offert. Un coquillage d’eau douce, du genre des cyreæ, contenu dans des vases de terre compléta le festin. Le bouillon que donnent ces bivalves est très-savoureux, mais leur chair forme un aliment assez fade. Dans la conversation qui suivit, nous pûmes nous convaincre que l’esprit de conversation est un don naturel des Vitiens ; ils ont un tact particulier pour deviner le sujet sur lequel il vous plaît de parler, et celui sur lequel vous désirez garder le silence. Ils savent causer avec suite, leur parole a du trait et de la vivacité, et, de même que les membres de l’expédition américaine de Wilkes, nous pouvons déclarer que de toutes les populations sauvages de la Polynésie, les Vitiens sont les seuls avec qui on puisse discuter raisonnablement et tenir une conversation suivie. Ils aiment la plaisanterie ; manient habilement l’ironie, et dans les heures du soir ils se réunissent volontiers pour se dire les nouvelles locales ou se raconter d’anciennes légendes. Leur littérature, qui manque en général du feu de l’imagination, brille jusqu’à un certain point par l’esprit.
« Le lundi, 17 août, nous quittâmes Navuso, avec Ko-Mai-Naitasiri, qui s’offrit à nous escorter. Il avait précédemment projeté de se rendre à un salevu ou assemblée vitienne, mais il nous dit cordialement qu’il renoncerait volontiers même à une affaire plus importante pour nous faire profiter directement de son influence.
Notre petite troupe s’augmenta dans la journée de Ratu-Vakaruru, neveu de Ko-Mai-Naitasiri. Il nous accosta, étendu nonchalamment, comme un gentilhomme, dans un petit canot conduit par deux hommes. Il portait pour ornement une défense de sanglier suspendue à son cou par un collier de verroteries blanches, et avait autour des reins une pièce de calicot bleu. Ratu-Vakaruru me parut un des plus beaux types de la race vitienne, et j’aurais souhaité qu’il fût possible d’en faire un dessin exact, ne fût-ce que pour rectifier les images incorrectes qu’on a publiées de ces insulaires.
« La rivière qui prend ici le nom de Wai-levou (wai, eau ; levou, grande), est bordée à droite de berges escar-