Page:Le Tour du monde - 01.djvu/224

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— Nous aurons un pain à notre retour.

— Ferme, ferme, Dieu vous entend, Dieu vous voit.

— Ferme, ferme, Dieu nous voit, Dieu nous entend.

— Et des sucreries, de par Dieu ! vous en aurez aussi ; seulement ferme, tenez ferme sur les rames ! vocifère le raïs.

— Nous aurons des sucreries ; Dieu merci, nous en aurons ; merci à Dieu ! » hurlent tous ensemble les matelots, et c’est avec l’accompagnement de ce chœur primitif, sinon antique, que nous mîmes trois heures à faire trois milles.

« C’est d’ailleurs la coutume des Maures, et surtout des nègres, de s’égosiller de la sorte pour s’encourager au travail.

« Il n’y a point de phare pour guider le navigateur qui cherche l’entrée du mouillage de Mogador. Les autorités du port n’hésitent jamais à déclarer que ce serait aller contre les décrets de Dieu que d’en élever sur ces côtes dangereuses ; et les impudents naufrageurs de ces rivages affirment effrontément qu’un naufrage est une berkah, bénédiction que leur envoie la Providence. Une fois cependant, par un temps épouvantable, le consul anglais, M. Willshire, put obtenir par d’énergiques réclamations que le gouverneur de Mogador envoyât des soldats pour protéger les navires et les équipages qui pourraient venir à la côte. Les naufrageurs maures, il faut l’avouer, avaient naguère encore des imitateurs en France et en Angleterre.

« Le nom européen de Mogador dérive, dit-on, d’un saint maure, Mugdul ou Modogul. Les habitants, qui sont très-fiers de leur ville, l’appellent Showerah, c’est-à-dire carrée ; elle a pourtant la forme d’un triangle ; c’est une cité toute moderne, car elle ne date que de 1760 ; elle fut construite par un ingénieur français, Cornut, sous le règne de Sidi-Mohammed.