Aller au contenu

Page:Le Tour du monde - 01.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

thétique, ne bornant pas sa tâche à recueillir des faits isolés, ou à esquisser des tableaux sans corrélation entre eux, mais s’efforçant partout et toujours de mettre en relief les rapports intimes qui existent entre les grandes bases de l’ordre physique et de l’ordre moral et qui relient en un faisceau indivisible la terre, la science et l’homme. C’est surtout grâce à ce grand mérite d’unité, de plan et de composition, que l’œuvre capitale de Ritter (celle dont nous venons d’indiquer le titre) devra, bien qu’inachevée, servir d’exemple et de modèle à quiconque voudra tenter d’élever à la planète que nous habitons un monument digne d’elle.

Karl Ritter, célèbre géographe, mort à Bérlin le 28 septembre 1859.

Ritter, né en 1779, à Quedlinbourg, professa successivement la science, où il était maître, à Schnepenfthal, à Francfort-sur-le-Mein, et enfin à l’Université royale de Berlin. C’est là qu’il forma pour les découvertes quelques-uns de ces voyageurs héroïques qui ont illustré, les uns par leurs succès, les autres par leur martyre, tous par leur ardent dévouement, l’Allemagne qui leur donna le jour, et l’Angleterre qui les a employés. Ritter, et ce n’est pas son moindre titre de gloire, a eu pour élèves Barth, Overweg, Vogel et les trois frères Schlagintweit.

D’après le souvenir d’un de nos collaborateurs, qui s’honore aussi d’avoir reçu des leçons de cet illustre savant, « il était de haute et forte taille, son front était vaste, sa figure puissamment sculptée comme celle de Goethe, mais il avait de plus une extrême douceur dans le regard et dans le sourire. Il marchait d’un pas lent et inégal et parfois s’arrêtait pour réfléchir ; ses yeux, dirigés au loin comme s’ils rêvaient à l’Asie ou à l’Afrique lointaines, s’abaissaient rarement sur ceux auxquels il parlait ; sa voix, retenue brusquement par une pensée, s’interrompait de temps en temps ; on voyait dans chacun de ses mouvements qu’il était, pour ainsi dire, possédé par le démon de la science et, tout vieux et cassé qu’il fût, on sentait que pour l’étude il était jeune[1]. »



  1. M. Elisée Reclus (Revue germanique).