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Chimnez-Rocks au bord du fleuve Colombia. — Dessin de Sabatier d’après Paul Kane.

LE CAPITAINE PALLISER

ET
L’EXPLORATION DES MONTAGNES ROCHEUSES[1].
1857-1859.


V

Le fort Edmonton. — M. et Mme Christie. — L’appétit d’un métis. — Bon accueil. — Les visites. — Un grand bal dans la solitude. L’avenir.

Edmonton est le poste principal de tout le district du Saskatchewan et la résidence d’un officier supérieur de la Compagnie. Tel est du moins le titre officiel de M. Christie, mais les métis canadiens, les Indiens eux-mêmes, ne l’appellent jamais que le bourgeois, expression familière et toute française, qui a survécu, comme tant d’autres choses, à notre domination dans le Nord-Amérique. Une enceinte palissadée d’environ 6 mètres de haut, flanquée de quatre petits bastions, entoure les bâtiments du fort. Au centre se trouve la maison principale, habitée par M. Christie, sa femme, ses enfants et les principaux commis ; cette maison est en bois, et s’enorgueillit de deux étages. Des magasins, des hangars, des logements pour les hommes de peine, une poudrière et une petite chapelle occupent le reste de la cour intérieure. Quand le personnel est au complet, ce qui n’arrive pas toujours, Edmonton n’abrite pas moins de 40 hommes, de 30 femmes et de 80 enfants. Toute cette population, composée de charpentiers, de forgerons, d’employés subalternes, appartenant aux origines les plus diverses, quoique catholiques pour la plupart, ne mange jamais de pain et ne vit que de viande de bison. Comme un métis mange facilement six livres de viande et que les provisions s’épuisent souvent, le bourgeois n’a d’autre ressource, en cas de disette, que d’envoyer son monde en subsistance dans les forts les moins éloignés. Rien ne serait plus simple que d’ensemencer quelques hectares qui, sur ce sol privilégié, donneraient de magnifiques récoltes ; mais la Compagnie, je l’ai dit, s’entend mal en agriculture, et c’est à peine si le jardin d’Edmonton, faute d’entretien, fournit quelques setiers de pommes de terre. Pas plus que les autres postes, le fort ne possède de garnison. Tout le monde est soldat à l’heure du danger, et personne ne l’est en temps ordinaire. Les magasins d’ailleurs regorgent de fusils, de poudre et de balles, objets d’échange habituel dans le

  1. Suite et fin. — Voy. page 274.