fait en vingt mois qu’une quinzaine de milles vers le sud, avaient été abandonnés trois jours auparavant. Sir John Franklin était mort depuis le 11 juin 1847, et neuf officiers et quinze hommes l’avaient déjà précédé ou suivi.
« Les survivants de l’expédition, au nombre de cent cinq, avaient abordé sur ce point, sous le commandement du capitaine Crozier, et reconstruit sur l’emplacement du cairn de James Ross, détruit probablement par les Esquimaux, le cairn existant aujourd’hui. Leur intention était de partir le lendemain au matin pour la Grande-Rivière de Back, et ce rapport était signé par Crozier comme capitaine de la Terror et principal officier de l’expédition, et par Fitzjames, capitaine de l’Érèbe. Il semble que les trois jours de marche écoulés entre l’abandon des navires et la date de cet écrit, avaient déjà épuisé les forces de ces malheureux, et il paraît qu’en se mettant en marche vers le sud, ils abandonnèrent en cet endroit une grande quantité d’habits, d’effets et de provisions de toutes sortes, comme s’ils avaient eu l’intention de se débarrasser de tous les objets qui pouvaient ne leur être d’aucune utilité. Après dix ans écoulés, des pioches, des pelles, des ustensiles de cuisine, des cordages, du bois, de la toile, et même un sextant portant le nom gravé de Frédéric Hornby, R. N., étaient encore épars sur le sol ou incrustés dans la glace.
« Le lieutenant Hobson continua ses recherches jusqu’à quelques jours de marche du cap Herschell, sans trouver aucune trace des naufragés ou des indigènes. Il laissa pour moi un rapport détaillé de ce qu’il avait découvert, de manière que, revenant par l’ouest de l’île de King-William, j’eus l’avantage d’être mis au courant de tout ce que l’on avait trouvé.
« Bientôt après avoir laissé le cap Herschell, les traces des indigènes devinrent moins nombreuses et moins récentes, et, plus à l’ouest, elles cessèrent complétement. Cette partie de la terre du Roi-Guillaume est extrêmement basse et dénuée de toute espèce de végétation. De nombreuses petites îles s’étendent en avant, et au delà le détroit de Victoria est couvert d’énormes et impénétrables monceaux de glace.
« Parvenus au 69° 09′ de latitude nord, et au 99° 27′ de longitude, nous nous dirigeâmes vers un grand bateau que le lieutenant Hobson avait découvert quelques jours auparavant, ainsi qu’il m’en avait informé. Il paraît que ce bateau, destiné dans le principe, par nos infortunés compatriotes à remonter la rivière du Grand-Poisson, avait dû être abandonné ensuite. Il mesurait 28 pieds de long sur 7 1/2 de large. Sa construction était très-légère, mais le traîneau sur lequel il était placé était fait de chêne brut solide, et pesait autant que le bateau lui-même.
« Une grande quantité d’effets fut trouvée en cet endroit, un squelette même était à l’arrière du bateau, desséché et tapi sous un monceau de vêtements ; un autre, plus endommagé, probablement par les animaux, gisait non loin de l’embarcation. Cinq montres de poche, une quantité considérable de cuillers et de fourchettes en argent et plusieurs livres de religion furent recueillis en cet endroit ; mais nous n’y pûmes découvrir ni journaux de bord, ni portefeuilles, ni aucun effet portant le nom de son propriétaire.
« Deux fusils à deux coups, chargés et amorcés, étaient appuyés sur les côtés du bateau, probablement à la place même où les deux marins dont nous voyons les déplorables restes, les avaient déposés onze ans auparavant. Il y avait aussi tout autour des munitions en abondance, trente ou quarante livres de chocolat, du thé et du tabac.
« Beaucoup de reliques intéressantes ont été recueillies par le lieutenant Hobson et quelques-unes par moi-même. Le 5 juin, j’arrivai à Pointe-Victory sans avoir découvert rien de plus. Nous fouillâmes de nouveau avec le plus grand soin les habits et les carnets, dans l’espoir d’obtenir d’autre renseignements, mais cela sans aucun succès.