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son étendue, et assez profond pour qu’un homme puisse y entrer. »

On passa la dernière chaîne des montagnes Rocheuses à Camino-del-Obispo, près de la route de Zuñi ; et le 17 novembre, on gravissait la Sierra-Madre, limite des eaux entre l’océan Atlantique et la mer Pacifique, qui en cet endroit a une hauteur de 2750 mètres. L’inscription-Rock ou le Moro (ainsi que l’appellent les Mexicains), s’élève près de là ; c’est un rocher de grès gris qui a 66m, 67 de hauteur. Il est couvert d’inscriptions en langue espagnole provenant du temps de la conquête et se rapportant à des faits on a des personnages historiques, ainsi que d’hiéroglyphes et de signes tracés par les Indiens. La plus ancienne est du 16 avril 1606 ; mais elle n’a pu être déchiffrée en entier ; une autre, du 29 juillet 1620, apprend que le gouverneur et capitaine général du Nouveau-Mexique pour S. M. le roi d’Espagne, avait à cette date, passé en cet endroit, revenant du Pueblo-de-Zuñi, et déclaré les habitants, sur leur demande formelle, sujets de la couronne espagnole. Il est assez difficile de vérifier les faits relatés dans ces inscriptions, quand ils sont antérieurs à 1689, les archives ayant été brûlées à cette époque, lors d’une insurrection des Indiens. Quant aux caractères tracés par ces derniers sur le rocher, ce ne sont que des signes ou des figures qui doivent avoir, il est vrai, une signification historique, car c’était leur habitude de consigner ainsi les faits ; mais, pour les expliquer, il faudrait être très-familier avec leurs idées ; c’est ce que démontre le secrétaire de la province dans une lettre (datée de 1850) au lieutenant Simpson, qui le premier a déchiffré, avec beaucoup de peine, ces inscriptions, lettre que reproduit M. Möllhausen.

Mais là n’est pas la seule curiosité de l’Inscription-Rock. Le plateau supporte des ruines importantes moins par leur nature que par les questions qu’elles soulèvent. Le plateau est divisé par un ravin, au fond duquel poussent de hauts sapins. Les ruines se trouvent des deux côtés, formant des angles droits de 102m,33 de longueur et de 68m,66 de largeur. À en juger par les débris, les murs principaux devaient être bâtis de petits grès concassés, cimentés avec de l’argile.

« De même que dans toutes les ruines du Nouveau-Mexique, dit le voyageur, le sol est ici jonché de débris de vases et de tessons dont la quantité surprend au premier abord, et qui font présumer que dans ces villes anciennes, on brisait, lors des fêtes, pour les usages et les sacrifices religieux, beaucoup plus de poteries que ne le comportent les accidents de la vie ordinaire. Les Indiens Pueblos emploient aussi des vases en terre de même forme ; mais on ne remarque pas autour de leurs villes de tels amas de débris.

« Mais pourquoi les habitants de ces villes, aujourd’hui détruites, avaient-ils choisi les hauteurs ? On ne peut, sur ce point, former que des conjectures. C’était peut-être pour se garantir d’attaques ennemies, peut-être aussi pour recueillir et garder l’eau de pluie dans les excavations du rocher, l’eau manquant presque complétement dans les terrains bas. Plus tard, les habitants descendirent des hauteurs dans la vallée, et établirent leurs demeures sur le bord des rivières, afin de s’y livrer plus commodément à l’agriculture et à l’élève du bétail, dont les Espagnols leur avaient enseigné l’utilité.

« C’est en vain que dans le voisinage des ruines de l’Inscription-Rock, on cherche un pueblo encore habité ; les descendants de ceux qui ont bâti ces murs sont morts ou ont émigré ; et leurs traces doivent être depuis longtemps effacées dans le sud du Mexique. »


Zuni. — Une source piége. — La ville de Zuni. — Autel ou lieu de sacrifices. — Grenats dans les fourmilières.

Après une marche de 20 milles, on atteignit les sources de la rivière de Zuñi ou Rio-del-Pescado ; sur la rive nord se trouvent les ruines d’une ville ou plutôt d’un établissement indien, mesurant 200 pas de longueur sur 150 de largeur. « Ce pueblo ne paraît pas fort ancien ; car les toits et les murs étaient encore en assez bon état ; on reconnaissait même les cheminées et les foyers… Une pensée triste me vint, c’est que peut-être ce lieu avait été dépeuplé par des maladies contagieuses ; car si le manque d’eau a contraint quelquefois les Mexicains à quitter leurs établissements, ce n’était pas ici le cas, le Rio-del-Pescado arrosant une campagne fertile… Tous les ans, les Indiens de Zuñi se rendent plusieurs fois à la ville abandonnée pour y cultiver les champs et faire les récoltes. Il est probable que les derniers habitants de cette cité se sont joints aux Zuñis et que les pèlerinages annuels qu’ils accomplissaient aux tombeaux de leurs ancêtres sont devenus pour les Indiens actuels une habitude, et même une habitude avantageuse, puisque les terres cultivées en cet endroit sont plus fertiles que celles qui avoisinent Zuñi. »

Le camp fut établi à 3 milles de Zuñi, près d’un lac sacré de 4 mètres de profondeur et dont le diamètre a 8m,34. Les Indiens y accoururent : leur extérieur ressemble beaucoup à celui des Pueblos. Malheureusement, la petite vérole faisait de grands ravages dans la ville, ce qui ne permit pas d’y pénétrer ; mais les voyageurs firent des excursions dans les montagnes voisines, à la fontaine de l’Ours, par exemple. C’est une source entourée de rochers avec une seule ouverture assez grande pour que l’ours y passe la tête et boive. À quelques pas de là, s’élève une cabane où le chasseur se met en embuscade : il ferme avec une pierre l’ouverture de la source où conduit un sentier ; l’animal s’aperçoit-il de l’obstacle, il essaye de l’écarter avec ses pattes de devant et laisse au chasseur le temps de l’ajuster à son aise.

Le 25 novembre, l’expédition abandonnait le camp devant Zuñi, qui de loin, avec ses maisons en terrasse, ses rues élevées, ses échelles, présente un coup d’œil assez pittoresque. Zuñi ressemble à Santo-Domingo, et possède une église catholique. Le nombre des habitants y est de 1800 a 2000 ; mais en ce temps-là, la population était bien réduite par les ravages du fléau. Les Indiens Zuñis cultivent le blé, le maïs, les courges,