Page:Le Tour du monde - 01.djvu/388

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donc suivre sa vallée jusqu’à la fin de la route. Mais les guides leur apprirent que cette rivière se perd dans le sable, à plusieurs journées du Colorado qu’elle rejoint sous terre, et qu’il faut fatiguer beaucoup avant d’atteindre ses eaux courantes. « Ce jour-là, je remarquai plusieurs Indiens qui n’avaient pas la chevelure arrangée de même manière que les autres ; leurs cheveux, collés avec de la terre humide, étaient roulés en turban autour de la tête. Leroux me dit que c’était une manière de se préserver de la vermine. » Le 1er  mars, « nous nous trouvâmes sur la lisière de ce vaste désert sans eau qui, du Gila, s’étend au nord par delà l’embouchure du Colorado Chiquito, sur une largeur de plus de cent milles. Nous en avions déjà parcouru une partie ; mais dans la vallée de Bill Williams Fork, nous l’avions peu remarqué ; ici, sur le terrain même, le désert se présentait à nous avec toute sa monotonie et son affreuse sécheresse. Outre les guides, notre troupe n’était plus accompagnée que de deux ou trois Indiens ; ceux qui s’étaient joints bénévolement à nous, venaient de nous quitter, comme s’ils craignaient de s’aventurer dans un pays qu’évitent les loups et les renards eux-mêmes. Ce désert n’est pourtant pas inconnu aux Mohaves ; car, lorsque nous abandonnâmes leurs villages pour continuer notre route, ils nous firent comprendre par signes que dans tout le trajet, jusqu’aux eaux courantes du Mohave, nous ne rencontrerions que quatre sources avec très-peu d’eau, et nous conseillèrent de faire le voyage le plus rapidement possible ; en effet, les sources qu’ils nous avaient indiquées étaient si bien cachées au milieu des montagnes que, sans le secours de nos guides, nous serions passés à côté sans les apercevoir, et notre perte eût été certaine. Les Indiens, qui nous conduisaient avec tant de sûreté, nous rendirent pendant ce trajet des services incalculables ; sans eux, nous n’aurions pu suivre le chemin qui nous menait en droite ligne à l’océan Pacifique. »

Armes, ornements, ustensiles des Indiens Mohaves, Yampays, Chimehwhuebes, etc. — Dessin de Lancelot d’après les Reports of explorations, etc.

La marche fut très-pénible ; on fit vingt-deux milles ; on monta jusqu’à une hauteur de cinq cents mètres ; les bêtes étaient épuisées ; et, pour comble de malheur, on ne put parvenir à l’une des sources. Il fallut attendre jusqu’au lendemain matin. Les hommes furent bientôt sur pied, d’autant plus que le repos de la nuit était presque aussi fatigant que la marche du jour : on était couché sur un sol pierreux, dont les arêtes brisaient les côtes. Pour alléger la charge des mulets, on avait été obligé de se débarrasser d’une partie des couvertures. Mais on fut dédommagé, et par la fraîcheur de la source, et par la découverte d’une charmante vallée, « paradis enchanté. Tout y annonçait que, dans la belle saison, les indigènes viennent l’animer en foule. On y voyait de petits champs cultivés de blé, de maïs ; le sol était jonché d’écailles de tortue, ce qui prouve que c’est le mets favori des indigènes. Leur manière de le préparer n’est pas moins cruelle que celle usitée dans le monde civilisé,