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lopper sur la droite une route de voitures qui décrit de longs lacets. C’est la route de Chabeuil par Peyrus. Bien que nous allions à Die, c’est-à-dire dans une direction opposée, nous descendrons pendant quelques instants cette route pour contempler l’admirable vue que l’on découvre du haut des pentes abruptes qui dominent la grotte ou balme du Pialoux (voy. p. 389).

Des rochers aux formes étranges, tapissés de plantes rares, ombragés çà et là de pins sylvestres ou de pins maritimes, composent le premier plan du tableau ; sur le second, des collines de sable et de gravier, entièrement nues, ondulent comme les vagues d’une mer furieuse. Au delà de cette ligue jaunâtre, la Véoure déroule ses rubans argentés à travers une plaine accidentée et couverte d’une luxuriante végétation, où tous les tons du vert, habilement fondus, forment un harmonieux ensemble. À l’extrémité de cette mer de verdure, le Rhône, à demi perdu dans les vapeurs de l’horizon, apparaît çà et là au pied de la chaîne des montagnes du Forez et de l’Ardèche, que l’on découvre depuis les vignobles de Saint-Péray jusqu’aux cimes du Mezenc et du Gerbier-de-Joncs. Parmi les innombrables maisons blanches qui surgissent comme des îlots du sein des flots d’arbres, on distingue surtout les groupes plus importants qui portent les noms de Romans, Chabeuil et Valence.

La vallée de Léoncel. — Dessin de Karl Girardet d’après M. A. Muston.

Remontons maintenant à la Vacherie pour gagner, par un chemin qui n’est pas encore praticable aux voitures, le vallon des Pêcheurs, d’où nous irons explorer les gorges d’Omblèze. D’abord le vallon est trop cultivé ou trop aride ; mais bientôt le sentier, pittoresquement taillé en escalier dans les corniches ébréchées des rochers, descend le long du ruisseau qui, transformé en torrent impétueux, bondit en écume de gradin en gradin, jusqu’à ce qu’il forme une jolie cascade, la « Grande pissoire, » plus importante mais moins gracieuse que la « Petite pissoire. » Ces cascades ne sont pas visibles tous les jours, je dois en avertir les touristes ; même quand les eaux sont abondantes, elles disparaissent complétement, car elles servent à l’irrigation des prairies supérieures. Il serait donc inutile de les chercher sur ma recommandation ; on ne les trouverait pas aux heures où elles sont condamnées, pour remplir leur fonction fécondante, à se montrer plus utiles qu’agréables. Lorsqu’elles ont la liberté de se faire admirer, elles se jettent dans la Gervanne, qui arrose les célèbres gorges d’Omblèze.

Ces gorges, où nous sommes parvenus, ont environ quatre kilomètres de longueur ; mais on passerait, sans en regretter une seule minute, une journée entière à les parcourir. Elles sont, en effet, tellement variées de formes et d’aspects qu’à chaque pas que l’on y fait elles offrent un paysage nouveau. Leur largeur moyenne est de cent