qui commence vers le 10 juillet, et qui dure cinq jours, est une suite de cérémonies, de processions, de triomphes, de courses de chevaux libres, d’illuminations, de feux d’artifice, qui font le bonheur des habitants et attirent une multitude d’étrangers. La statue de la sainte traverse la rue du Cassaro sur un char colossal de plus de vingt-trois mètres de haut et de vingt-six mètres de long, traîné par des bœufs ou par des mules, orné de figures diverses et même de divinités païennes, et renfermant dans son sein des musiciens qui exécutent des morceaux de circonstance.
L’église du monastère de Santa Maria di Martorana fut fondée vers 1143 par l’amiral Georges d’Antioche. On y voit une mosaïque représentant le roi Roger, prosterné devant la Vierge, à laquelle il vient de remettre une charte qu’elle tient à la main ; une autre mosaïque représente le même roi, en costume byzantin, vêtu de la dalmatique, recevant du Christ la couronne royale.
N’oublions pas que Palerme possède un musée de sculpture contenant des restes précieux d’antiquités, une collection géologique et plusieurs bibliothèques.
Monreale est située à quatre milles au sud-ouest de Palerme. Qui n’a entendu parler de sa cathédrale ? Je partis un matin par la porta Nuova, dans un calesso de louage. La route qui mène à Monreale par des pentes douces ménagées dans le versant des montagnes, est charmante : on l’a ornée de bancs, de fontaines et d’une allée de lauriers-roses ; d’un côté se dressent des rochers qu’embellissent les eaux tombantes des sources et la verdure des aloès et des cactus, de l’autre s’étend un vallon, couvert à profusion d’oliviers, de figuiers, d’orangers, de citronniers, avec Palerme et la mer dans le lointain.
La ville de Monreale a une population de plus de 13000 habitants ; on leur attribue une origine sarrasine ; leurs mœurs sont différentes de celles des Palermitains.
Le couvent des bénédictins m’attira tout d’abord. L’escalier renferme des toiles de Vélasquez et de Pietro Novelli. Le cloître est d’une incomparable beauté. Des galeries, disposées en carré, s’ouvrant sur un jardin verdoyant, offrent à l’œil une série d’arceaux en ogives d’une courbure orientale, que soutiennent 216 colonnes accouplées, de formes variées à l’infini et ornées de deux en deux de mosaïques. Dans le jardin intérieur, des fontaines jaillissent du milieu des arbres et des fleurs et retombent dans des vasques de marbre. Avec le ciel et le soleil de la Sicile, l’effet est féérique ; grandeur de l’ensemble, élégance du détail, harmonie de la nature et de l’œuvre humaine, tout se trouve réuni dans ce cloître, dû à la piété de Guillaume le Bon (vers 1174).
La vue de l’église de Monreale ne refroidit pas mon enthousiasme. Je ne parlerai pas de l’extérieur ; une seule tour, au lieu de deux, orne aujourd’hui la façade, qui se distingue surtout par de belles portes en bronze du célèbre Bonanno de Pise. Mais l’intérieur est d’une magnificence merveilleuse. Seize colonnes de granit oriental divisent le temple en trois nefs ; elles s’appuient sur des bases de marbre blanc et sur des socles carrés de marbre noir ; leurs chapiteaux, en marbre blanc et très-ouvragés, revêtus de mosaïques à la partie supérieure, soutiennent des arceaux disposés en ogives rentrantes. Le pavé est formé de cercles de porphyre et de serpentin, d’arabesques en mosaïque et d’encadrements en marbre blanc. Des demi-coupoles terminent les trois nefs. Il n’y a point de voûtes, et des plafonds modernes en bois ont remplacé ceux qui existaient avant l’incendie de 1811. Tout le reste de l’édifice est couvert de mosaïques à fonds d’or, offrant des représentations très-variées, la figure colossale du Christ, celles d’une multitude de saints, des figures symboliques ou allégoriques, des inscriptions, et, au-dessus des siéges du roi et de l’archevêque, le roi Guillaume II recevant la couronne des mains du Christ, et le même prince offrant à la Vierge assise le plan du temple qu’il lui consacre. Les personnages portent le costume grec, et la plupart des inscriptions sont en langue et en écriture grecques. Il est probable que la décoration intérieure est due à des artistes byzantins. L’église de Monreale possède un autel d’argent richement sculpté, et, parmi ses monuments funéraires, une urne renfermant une partie des restes de notre grand roi saint Louis.
Je sortis enchanté et les yeux éblouis de l’église de Monreale, l’un des plus beaux spécimens d’un genre de décoration dont l’éclat n’a pas été aussi étranger qu’on le croyait naguère à nos contrées septentrionales. Une fête s’y préparait pour le soir ; on couvrait les murailles de tentures d’or et d’argent, on suspendait aux voûtes une multitude de petits lustres. Malgré ces séductions, il fallut partir ; j’avais à m’occuper des mesures nécessaires pour continuer ma route sur les côtes et dans l’intérieur de la Sicile.
La plupart des voyageurs prennent la mer et se font débarquer dans les villes principales du littoral, à Trapani, à Girgenti, à Syracuse, à Catane, etc. Mais alors ils ne voient point les campagnes et leurs habitants. Je préférai voyager par terre, malgré l’absence ou le mauvais état des routes, malgré les difficultés de l’alimentation et la nécessité de se faire accompagner par des mercenaires. Par l’intermédiaire du chancelier du consulat de France, je conclus avec un Sicilien, nommé Luigi Randesi, un traité qu’il signa d’une croix, et qui le constituait chef de la petite caravane organisée pour le voyage. Luigi s’engageait à m’accompagner dans ma tournée, à entretenir, pendant qu’elle durerait, trois mulets, un pour moi, un pour lui, un pour les bagages et pour le muletier chargé des bêtes ; à me faire coucher dans les meilleures auberges, à me donner à déjeuner le matin, à goûter dans la journée, si je le désirais, et à dîner le soir ; le tout moyennant trois piastres et huit carlins par jour (près de 20 francs).
Le 11 septembre, en me levant, je trouvai à la porte